Ettore Scola

Cinéaste, Italie

Ettore Scola a débuté dans l’industrie du film comme scénariste, en 1953. Il a réalisé son premier film Parlons femmes (Se permettete parliamo di donne), en 1964. En 1974, Scola a connu un succès international avec Nous nous sommes tant aimés (C’eravamo tanto amati), une vaste fresque de la société italienne après la Seconde Guerre mondiale, dédiée à son ami le réalisateur Vittorio De Sica. En 1976, il a reçu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes pour son film Affreux, sales et méchants (Brutti, sporchi e cattivi). Depuis lors, Ettore Scola a réalisé près de 40 films en 40 années.

1976 / Cycle Ettore Scola
Il aura fallu attendre 1976 pour que soit faite à Ettore Scola la place qui lui revient parmi les grands metteurs en scène italiens de cette décennie. Pourtant cet authentique auteur, qui a aujourd’hui à son actif onze longs métrages, renouvelle depuis bientôt quatorze ans le genre, ô combien frelaté dans la plupart des cas, de la comédie « à l’italienne », pour le plus grand plaisir des publics les plus vastes. Pendant des années, on s’est obstiné à ne voir en Scola que le très talentueux scénariste qu’il est depuis 1950, pour quelque cinquante films de Pietrangeli, Nanni Loy, Luigi Zampa, Dino Risi, Carlo Lizzani, Elio Petri, Mauro Bolognini (parmi d’autres), capable de faire rire à tout coup, mais sans beaucoup plus… Trevico Turin apporte en 1970 un démenti formel à ce qui ressemblait fort à un ostracisme. Mais aucun des films de Scola n’est banalement comique. Dans tous ses films, des humeurs très riches se fondent pour produire le rire. La satire sociale est toujours présente dans les films de Scola. Mais, toujours pertinente, elle prend des tonalités diverses : réconciliant mélodrame et réalisme dans Drame de la jalousie, elle s’accompagne d’amertume lucide dans Vous permettez ? Rocco Papaleo, se voit contaminée par le fantastique dans La plus belle soirée de ma vie, stimulée par le lyrisme grave deNous nous sommes tant aimés et emportée vers la parabole grinçante par d’Affreux, sales et méchants personnages. Scola est en fait l’homme du mélange des tons : d’où, sans doute, l’aspect souvent prismatique de sa mise en scène, et le tour souple et nerveux à la fois de son montage. Une fois n’étant pas coutume en Italie, ceux-ci ne doivent rien à la recherche du brio et ne sacrifient pas au « m’as-tuvuisme » provincial que les Français, face à trop de productions complaisantes, ont tendance à confondre avec le « génie de la race italienne ».
Travaillant sans relâche depuis plus de dix ans, Scola tourne avec une équipe dont la qualité technique ou artistique mérite d’être soulignée, qu’il s’agisse de ses co-scénaristes, de son opérateur, de son musicien, ou de son assistant, par exemple. Il dirige avec un bonheur remarquable les plus grands acteurs comiques, quitte à élargir leur registre ou même à en renverser l’image établie : ainsi de Tognazzi dans les premiers films de Scola ; et de Manfredi dans les derniers films, où Scola sait exploiter et rendre sensible la stupéfiante finesse de jeu de ce très grand comédien. Pour le plus grand plaisir des publics les plus vastes.
Scola, c’est le contraire du cinéma aristocratique, mais c’est aussi le contraire de la facilité et du mépris : s’il joue (de main de maître) dans les règles du spectacle, il sait aussi l’ordonner, sans provocation gratuite ou superflue, vers la remise en question du spectateur : la construction très soignée de ses récits sert ce dessein : le « gag » n’est pas réductible à un effet ponctuel, il cultive et est cultivé par le film dans son entier, et le rire provoqué n’est pas, chez lui, rire libérateur, d’absolution du spectateur, mais rire dénonciateur, qui suscite, comme naturellement, la réflexion critique du public. La façon dont Scola observe ses personnages, les plonge dans leur milieu, les fait réagir les uns aux autres, est telle que la matière sociale dont il traite acquiert une signification nouvelle et gagne une force critique qu’elle n’a pas ailleurs. Voilà pourquoi nous sommes heureux d’avoir pris en mars 76 l’initiative d’une rétrospective Scola, comprenant, à côté de trois films aujourd’hui reconnus, trois inédits propres, croyons-nous, à donner un aperçu de la richesse et de la fécondité d’une oeuvre qui reste encore à découvrir en grande partie. Nous souhaitons contribuer ainsi à une meilleure connaissance d’un homme qui, capable de faire penser en faisant rire, parlant le cinéma et parlant l’aujourd’hui, sait se faire comprendre de tous.