Robert Aldrich

Cinéaste, Etats-Unis

Après avoir eu un emploi administratif à la RKO à Hollywood, Robert Aldrich devient assistant à la réalisation puis quitte la RKO et officie en free lance. Il collabore avec Jean Renoir, William Wellman, Lewis Milestone et Charlie Chaplin. De 1945 à 1948, il est assistant metteur en scène, directeur de production, directeur de studio et scénariste aux studios Entreprises. A partir de 1952, il dirige dix-sept séries pour la BBC.

 

En 1953, Robert Aldrich met en scène son premier film pour la Metro-Godlwyn-Mayer : The big leaguer, avec Edward G. Robinson, Vera Ellen et William Campbell. En un an, son style direct, rapide et brutal fait voler en éclats les genres cinématographiques traditionnels : le western avec Bronco-Apache (1954, avec Burt Lancaster et Jean Peters) et le film noir avec Kiss me deadly (En quatrième vitesse, 1955). Avec The big knife (Le grand couteau, 1955), Robert Aldrich s’attaque à la corruption à Hollywood. Le film remporte un Lion d’argent au Festival de Venise et le réalisateur devient la coqueluche de la critique en France, notamment dans les Cahiers du cinéma.

Producteur indépendant à partir de 1955, il réalise un curieux mélodrame, Automn leaves, où l’on ne reconnaît qu’en de rares moments le style qui lui a valu ses premiers succès. Ses démêlés avec les grands studios américains entament son crédit (en 1957, il est remplacé au milieu du tournage de Garment jungle par Vincent Sherman) et Robert Aldrich connaît une période creuse. Pragmatique, il accepte quelques projets moins mirobolants comme Sodome et Gomorrhe (réalisé en Italie en collaboration avec Sergio Leone) avant de retrouver le succès en 1962 avec What ever happened to baby Jane ? (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, avec Bette Davis). En 1967, la réussite de The dirty dozen (Les douze salopards) lui permet d’acheter son propre studio. Il tourne quatre films qui se soldent par quatre échecs commerciaux (Le démon des femmes, Faut-il tuer sister Georges, Trop tard pour les héros et Pas d’orchidées pour miss Blandish). On lui reproche la lourdeur et la violence gratuite dont font preuve certaines de ses réalisations. Au cours de sa carrière, Robert Aldrich affiche une préférence pour les héros cyniques et trompeurs (Les douze salopards), confirmée en 1973 avec The emperor of the north pole (L’empereur du nord). Derrière ces films, on voit se profiler une évocation de plus en plus directe du déclin de la société américaine ainsi que le crépuscule d’un cinéma dont il aura été l’un des derniers grands témoins.

Aldrich (Robert), cinéaste américain (Evanston, R.I. 1918). Venu à Hollywood en 1941, il est engagé par la RKO comme simple employé à la production, et gravit de façon traditionnelle les échelons de la profession, devenant employé « sur les scripts », puis administrateur délégué et enfin assistant (de Milestone, Renoir, Wellmann, Chaplin et surtout Polonsky et Losey). Scéna-riste et producteur d’une série télévisée, c’est le succès de celle-ci qui lui permet de réaliser (après un galop d’essai inédit en France) son premier film « personnel » : la vedette en est d’ailleurs Dan Duryea, déjà vedette de la série en question. Aldrich essaie d’y rompre la grisaille TV au pro-fit de recherches d’angle et de chocs spectaculai-res. En outre, World For Ransom, film d’aven-tures à médiocre budget (dont le titre sonne comme un défi) indique le type d’action où Aldrich sera toujours à l’aise (d’où les échecs répétés dans la comédie de cet homme plein d’humour) : le récit picaresque, voire « éclaté », plutôt que l’intrigue bien ficelée. S’il aborde le thriller, c’est toujours en éliminant les éléments de compréhension analytique que le genre avait hérité malgré tout du « policier » : le spectacle l’intéresse plus que le suspense. Pendant trois ou quatre ans, Aldrich va s’affir-mer par des films d’aventures dont l’outrance délibérée va de pair avec une ambition « cosmi-que » qui culminera dans En quatrième vitesse, où un récit médiocre se transforme en allégorie de la condition humaine à l’ère atomique. L’influence formelle d’Orson Welles est fla-grante dans ces films. Plus coté que le précédent aux yeux de certains critiques, le Grand couteau (qui dénonce la « corruption » d’Hollywood) . pèche par un excès de lourdeur dans la dramatur-gie, en contraste avec l’extrême liberté de ton de Vera cruz (où Aldrich n’est nullement pris au dépourvu par le Scope-couleur). Cette lourdeur théâtrale formera plus tard chez Aldrich un mélange instable et « insoluble » avec son goût pour les effets de montage et surtout les plans « assénés » comme autant de provocations aux instants de tension extrême. Dès 1955, les ennuis commencent pour Aldrich. Eliminé du tournage de Racket dans la couture, il essaie à la fois de la réalisation itinérante en Europe, avec des résultats plutôt décevants, et de l’auto-production : El Perdido est malheureuse-ment un film inégal, une sorte de « western inversé » (au profit d’une rêverie romantique) sur un scénario de Dalton Trumbo. Ce n’est qu’en 1963 qu’Aldrich se relance commerciale-ment, avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? récital de « monstres sacrés » où une sorte d’attendris-sement tempère une horreur grand-guignolesque. La même frénésie dérape vers l’absurde dans Douze salopards, film voulu antibelliciste par son auteur mais où la violence quasi gratuite entretient une ambiguïté difficilement supporta-ble. L’incontestable succès des deux films per-mettra à Aldrich d’être pendant quelques années, le seul producteur-réalisateur américain à possé-der ses propres studios. Pendant toute cette période, Aldrich n’a pas dis-simulé ses options libérales (antiracistes, notam-ment) et sa haine d’une certaine hypocrisie qui affecte aussi bien l’Amérique que Hollywood même. A partir de 1968, le metteur en scène exas-père (sur des matériaux d’un intérêt variable) les contradictions de son style, en même temps qu’il souligne son goût pour les brutes viriles d’une part (L’Empereur du Nord) pour les vieilles actri-ces, éventuellement homosexuelles (Faut-il tuer Sister George ?) d’autre part. Il pratique les col-lages les plus audacieux (la séquence finale du Démon des femmes est à cet égard exemplaire) et sa tendance au « grotesque » (au sens hugolien du terme) se déploie dans des films pleins de bruit et de fureur, toujours plus saccadés même dans les plans longs, comme s’ils n’étaient plus com-posés que de « morceaux choisis » (auxquels ne manquent même pas de rares et précieux instants de tendresse : La Cité des dangers). Evocation de plus en plus directe du déclin de la société améri-caine (Aldrich est issu de la grande bourgeoisie) mais aussi du crépuscule de ce cinéma dont le cinéaste, formé au croisement de la routine et de la modernité, aura été l’un des derniers grands témoins. En 1977, il a été réélu Président de la Directors Guild.
Gérard Legrand
(Dictionnaire Larousse du cinéma/ à paraître)

Filmographie 1953 : The Big Leaguer 1954 : Alerte à Singapour (World for Ransom), Bronco Apache (Apache), Vera eruz 1955 : En quatrième vitesse (Kiss me Deadly), Le Grand Couteau (The Big Knife) 1956 : Feuilles d’automne (Autumn Leaves), Attaque (Attack !) 1957 : Racket dans la couture (The Garment Jungle, film terminé et signé par Vincent Sher-man) 1959 : Trahison à Athènes (The Angry Hills), Tout près de Satan (Ten Seconds to Hell) 1961 : El Perdido (The Last Sunset) 1962: Sodome et Gomorrhe (Sodom and Gomorrah/Sodoma e Gomorra, coréal. Sergio Leone), Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby fane ?) 1963 : Quatre du Texas (Four of Texas) 1965 : Chut, chut chère Charlotte (Hush… Hush Sweet Charlotte) 1966 : Le Vol du Phenix (The Flight of the Phoe-nix) 1967 : Douze salopards (The Dirty Dozen) 1968 : Le Démon des femmes (The Legend of Lylah Clare), Faut-il tuer Sister George ? (The Killing of Sister George) 1970 : Trop tard pour les héros (Too Late the Hero) 1971 : Pas d’orchidées pour Miss Blandish (The Grissom Gang) 1972 : Fureur Apache (Ulzana’s Raid) 1973 : L’Empereur du Nord (Emperor of the North Pole) 1974 : Plein la gueule (The Mean Machine / The Longest Yard) 1975 : La Cité des dangers (Melle) 1977 : L’Ultimatum des trois mercenaires (Twi-light’s Last Gleaming), Bande de flics (The Choirboys) 1979 : Un rabbin au Far- West (The Frisco Kid) 1981 : Deux Filles au tapis