Hommage Francis Lai

Stéphane Lerouge

« Francis est un grand compositeur, qui me paraît discret et modeste, presque dilettante. Et ça me plaît beaucoup : les dilettantes comme Francis ont leurs propres idées alors que les professionnels ont les idées des autres. »

Dino Risi, 1994

Que ce soit à propos de l’homme ou de sa musique, les mêmes mots reviennent sans cesse dans la bouche de ses amis et collaborateurs: simplicité, discrétion, chaleur. Le fait est donc admis: Francis Lai ressemble à sa musique. Depuis les années soixante, loin des médias et des modes, il continue d’œuvrer pour le cinéma et la chanson, sans aucune prétention aux honneurs. Fils d’horticulteurs niçois d’origine italienne, Francis Lai est initié à l’accordéon par son cousin. Attiré par le jazz, il se familiarise avec l’improvisation, qui l’amène à l’écriture. « Très vite, j’ai découvert que l’improvisation était une forme de composition spontanée, souligne-t-il. Quand vous improvisez, des idées mélodiques jaillissent sous vos doigts, de manière éphémère. Au lieu de les laisser s’évaporer et disparaître à jamais, j’ai préféré les noter pour pouvoir les rejouer. » Tout va ensuite s’accélérer: le jeune Lai monte à Paris, écrit des chansons avec Bernard Dimey, rencontre Piaf dont il devient l’accordéoniste. En 1965, par l’intermédiaire de Pierre Barouh, il croise un jeune cinéaste, Claude Lelouch, qui lui propose de mettre en musique un projet de film intitulé Un homme et une femme. Avant même le tournage, l’accordéoniste propose à Lelouch une dizaine de mélodies différentes dont le fameux Chabadabada. La suite appartient à l’histoire: Palme d’or, succès mondial, avalanche de reprises, d’Ella Fitzgerald à Tom Jones. En un film, la musique de Lai devient indissociable du cinéma sentimental selon Lelouch. À chaque nouveau projet, le binôme reconduira la méthode de son expérience fondatrice: mettre en boîte la partition en amont du tournage, afin que Lelouch puisse s’en servir sur le plateau. « La musique de Francis est mon meilleur directeur d’acteurs » résume le cinéaste, trente et un films plus tard.

Au sortir d’Un homme et une femme, Francis Lai devient l’un des compositeurs les plus en vue du cinéma français et européen. Happé par des genres cinématographiques très variés, il reste fidèle à la notion de thème lisible et clair, mémorisable dès la première écoute, d’une grande évidence mélodique, frappé d’un cachet harmonique original. Outre Claude Lelouch, Francis Lai vivra quelques brillantes aventures partagées avec le vétéran René Clément (Le Passager de la pluie, La Course du lièvre à travers les champs), Henri Verneuil (Le Corps de mon ennemi), Dino Risi (Âmes perdues, Valse d’amour), Nikita Mikhalkov (Les Yeux noirs). La spirale du succès s’intensifie dans les années soixante-dix avec les disques d’or de Bilitis de David Hamilton, sans compter les compositions hors films: Les étoiles du cinéma, inoubliable indicatif de FR3 (souvenez-vous des regards d’acteurs en fondu enchaîné), ou encore La Bicyclette, écrite avec Pierre Barouh, pierre angulaire du répertoire d’Yves Montand. Consécration suprême, Francis Lai reçoit en avril 1971 l’Oscar pour Love story d’Arthur Hiller dont, au départ, il ne voulait pas écrire la musique. « Malgré mon refus, précise-t-il, le producteur du film a débarqué à Paris avec une copie de travail sous le bras. À l’issue de la projection, j’ai craqué: le film était simple et poignant. En rentrant chez moi, je me suis installé à mes claviers et, tout de suite, en pleine nuit, j’ai trouvé les premières mesures du thème. »

À travers sa triple articulation (concert, leçon de musique, films), l’hommage du Festival de La Rochelle à Francis Lai nous raconte l’histoire d’un mélodiste à l’instinct exceptionnel, dont le talent s’est imposé mondialement, des collines de Nice à celles d’Hollywood.

Leçon de musique autour de Francis Lai – Dimanche 1er Juillet – 10h

Avec la participation d’Anouk Aimée

et Jean-Michel Bernard

Animée par Stéphane Lerouge

Spécialiste de la musique au cinéma, Stéphane Lerouge conçoit et produit la collection discographique Écoutez le cinéma! chez Universal Classics & Jazz France (110 volumes depuis 2000). Il a également assuré la programmation musicale du Festival Musique et Cinéma d’Auxerre, animé les Leçons de musique du Festival de Cannes et publié plusieurs ouvrages, dont L’Alphabet des musiques de films (Gallimard) et Conversations avec Antoine Duhamel (Textuel).

Concert hommage à Francis Lai – Dimanche 1er Juillet – 18h

conçu et dirigé

par Jean-Michel Bernard

Depuis plusieurs années, Jean-Michel Bernard symbolise l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs pour l’image, à travers de fructueuses collaborations avec Michel Gondry, Fanny Ardant ou Étienne Chatiliez. Compositeur, orchestrateur, pianiste surdoué, c’est l’homme de toutes les situations musicales. Sa singularité, c’est surtout un goût musical très ouvert, très éclaté: du jazz de tradition au jazz moderne, de la musique symphonique aux musiques du monde. Pour Jean-Michel, il n’y a pas de hiérarchie entre Bach et les Beatles. Et c’est précisément le cinéma qui lui a donné le moyen de faire la synthèse entre ses différentes cultures.

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