Samedi 9 juillet

Le cri de la chair

Changement sur la grille

Mahamat Salet Haroun ne présentera pas la séance de 17h15 ce samedi.

Les films Le Cri de la chair de José Bénazéraf et La Poursuite implacable de Sergio Sollima sont inversé dans le planning.

Soirées exceptionnelles, événements

Samedi 9 juillet

NUIT BLANCHE ! en partenariat avec la cinémathèque française.

20h15 : Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher

22h15 : L’Horrible Docteur Orloff de Jess Franco suivi d’une distribution de glaces chez Ernest

Dimanche 10 juillet

0h30 : Le Cri de la chair de José Bénazéraf suivi d’une distribution de jus de fruit

3h15 : La Poursuite implacable de Sergio Sollima

5h : Et le vent apporta la violence de Anthony Dawson

7h : Petit déjeuner offert sur le vieux port

22h15 : Projection en plein air : Le Sauvage de J.-P. Rappeneau / Parvis de la Médiathèque précédé d’une distribution de glaces L’Angélys

Edito

par Mélissandre Béchu (Option cinéma du lycée Rotrou de Dreux)

Ah, ce Festival de La Rochelle… le 39e, paraît-il ! Bien sûr, pour les douze jeunes festivaliers du lycée de Dreux que nous sommes, le chiffre paraît plutôt abstrait car il s’agit pour la plupart d’entre nous de notre premier ou de notre deuxième festival. Et pourtant, malgré notre inexpérience, vous avez pu nous voir courir habilement entre deux séances avec notre fidèle passe-partout en carton plastifié ou alors patienter avec bonne humeur dans les longues files d’attente. C’était bien sûr pour profiter pleinement de la programmation, pour tout voir, tout entendre. Peut être avons-nous parfois été trop fougueux, mais avouez que le menu ne pouvait qu’attiser notre impatience ! De fait, nous avons pu découvrir des documentaires mexicains à la beauté stupéfiante, rencontrer le généreux Bertand Bonello, assister à des avant-premières. Mais aussi pleurer devant certains films de David Lean avant de rire aux éclats des gags de Buster Keaton en profitant des ciné-concerts. Sans oublier non plus la (re)découverte de certains classiques comme les films français de Buñuel ! Bien sûr, parfois, nous râlons un peu : le Dragon 5 est trop froid, Lawrence d’Arabie trop long, le chemin de l’Olympia trop encombré. Nous préférerions de temps en temps profiter de la baignade plutôt que nous enfermer dans les salles obscures. Mais le plus souvent une petite glace suffit à nous remotiver et à oublier de plus belle la plage et l’échéance du bac… Vous n’avez donc pas fini d’entendre parler de nous. A l’année prochaine. Promis.

Contact – Mélancholia

Justine et Mickael se marient ; la Terre et la planète Melancholia vont entrer en contact. A première vue, pas de véritable lien entre ces deux rapprochements. Pourtant, Justine semble bel et bien ressentir la présence de l’étrange planète.

Melancholia

Le dernier Lars von Trier, captivant, pourrait bien être un film d’épouvante. En témoignent certains cadrages – plan serré, caméra sans pied -, ainsi que le décor. De cette maison, toujours la même, on ne s’échappe pas. Le film est donc aussi une méditation sur le temps dont le spectateur, forcément voyeur, est lui aussi prisonnier puisqu’il n’a ni la capacité ni les moyens d’agir. Et l’inéluctable arrive doucement.

C’est dans ce contexte que le cinéaste nous rappelle combien il est bon d’être un enfant, de vivre dans l’innocence et l’ignorance de certaines choses. Les adultes ne cessent de mentir, les scientifiques nous cachent des choses, la soeur de Justine, Claire, a peur et Justine nous apparaît bien mystérieuse. Sans être forcément rassurants, les personnages n’en sont pas moins intéressants. Les animaux, pour leur part, ressentent tout ce qui se passe mieux que les humains. L’agitation des chevaux de Claire annonce sans doute l’imminence d’un événement. Melancholia est alors le plus beau et le plus terrifiant des films d’alliance. Alors que les animaux se fondent dans la nature et que Justine et Mickael se marient, la Terre et la triste planète fusionneront à jamais. Fin de l’histoire.

Geoffrey Spaur et Amélie Capéran (Option cinéma du lycée Rotrou de Dreux)

Chanson pour Christophe

Petite marque, dans l’univers
Qui a tout d’une plume
Une naïveté, un peu grossière
D eux pour le prix d’une
Petite bobine, au goût amer
Dont la couleur, reste
Au fond de nous, comme un vers
T out plein de paresse
Des personnages, qui font leurs pas
A travers les époques
De cette histoire, d’amours à trois…
Alors pourquoi pas ?
La la la, la la
Alors pourquoi pas ?
La la la, la la
A lors pourquoi pas ?
Petite fresque, petite mer
Pleine d’une eau salée
On y laisse sombrer nos lèvres
Pour mieux les noyer
Honoré, que doit-on faire
Pour résister à toi ?
Devant ce film, qui nous mène
A u plus profond de soi…
Des personnages, qui font leurs pas
A travers les époques
De cette histoire, d’amours à trois…
Alors pourquoi pas ?
La la la, la la
Alors pourquoi pas ?
La la la, la la
A lors pourquoi pas ?
Petit lecteur, qui lis ces vers
Tu n’as pas le choix
Les chiens ne font pas de chats
Honoré toujours te plaira !

Rouba Salloum et Grâce Miazoloh (Option cinéma de Dreux)

Rire en noir et blanc

La croisiere du navigateur

Notre festival préféré nous a présenté cette année une des plus belles et attendues rétrospectives, celle de Buster Keaton, dont le chapeau flotte fièrement sur l’affiche. Quel bonheur de retrouver sur grand écran ce petit bonhomme qui n’a pas froid aux yeux ! Si ses gesticulations provoquent immanquablement éclats de rires et de sourires, on ne se fatigue jamais de la rapidité des gags : qu’ils soient subtils ou qu’ils appartiennent à un humour plus traditionnel, ils n’ont cessé de nous ravir. Ces images captivantes n’empêchent tout de même pas de jeter de temps en temps un petit coup d’oeil aux mains agiles de Jacques Cambra, dont les notes nous ont fait goûter la sensibilité et l’intelligence des films de manière plus agréable encore. Et que dire des savoureuses et érudites présentations de Stéphane Goudet qui nous ont éclairés davantage sur les multiples talents de l’illustre casse-cou ? En bref, ce fut un réel plaisir de redécouvrir en ciné-concert ce cameraman au visage pâle dans ses nombreux chefs d’oeuvres burlesques. Au premier rang une sublime découverte : The High Sign. Bienvenue au clan !

Claudia Cirulnikow, Valentin Provendier, Lucille Méranger et Jean Méranger (Option cinéma du lycée Rotrou de Dreux)

Luis Forever – Le charme discret de la bourgeoisie

Le Charme discret de la bourgeoisie

Revisiter ses classiques, c’est aussi ça un festival. Ainsi après s’être fait refuser l’entrée de la très attendue avant-première de Melancholia et le ciné-concert Keaton, après avoir couru le long du port tel des fashionistas en ouverture de soldes, après avoir bousculé la foule de badauds dodelinant sur le boulevard, on se retrouve à la Coursive… Peu à peu, tous les sièges se remplissent, on voit des jeunes, des chauves, des myopes, des endormis, des habitués, des solitaires, des joueurs, des documentés, des chapeautés, des DSK en couverture, etc. Et puis il y a nous, les novices, les curieux. On explore, on tente, on s’essaie et on voit… Et ce soir là, c’est la révélation, non, le coup de foudre. Nous tombons sous le charme d’un vieux monsieur et de son cinéma atypique. La satire de Buñuel transcende le conventionnel film pamphlétaire destiné à choquer les ménagères conservatrices. De manière surréaliste, en intégrant à ses longs métrages des éléments irrationnels, comme l’utilisation provocatrice de deux actrices différentes pour incarner la même femme, Buñuel critique les bourgeois en s’armant d’un humour décalé et totalement inattendu. Il réussit le tour de force de nous maintenir en haleine durant plus d’une heure et demie malgré une intrigue quasi absente et un récit fragmentaire. De là, la quintessence du génie de Luis, artiste dont l’oeuvre continue de fasciner encore aujourd’hui.

Johanna N’Guyen et Frédérique Ortiz (Option cinéma du lycée Rotrou de Dreux)

Oslo, ville ouverte

Oslo 31 Aout

Il est norvégien. Il a fait deux longs métrages grâce auxquels il est devenu un grand espoir du cinéma européen. Son dernier film, Oslo 31 août, est l’adaptation très réussie d’un roman français intitulé Le Feu follet de Drieu La Rochelle (si, si !). Joachim Trier nous conte l’histoire survenue à Anders, un jeune homme d’une trentaine d’années qui suit une cure de désintoxication. Pour achever sa guérison, le jeune homme doit se réinsérer dans la société. Pour ce faire, il va à un entretien d’embauche. A travers ce film réaliste et sombre pointe la difficulté d’un toxicomane à retrouver une vie sociale. Mais c’est aussi, en toute beauté, l’histoire d’amour d’un homme et d’une ville, Oslo, capitale de la Norvège. Personnages poignants, décor saisissant : la réussite est totale.

Nathanaëlle Glatigny et Karine Pereira (Option cinéma du lycée Rotrou de Dreux)

Comme chien et chat

Attenberg

Attenberg, c’est le surnom affectueux de Sir David Attenborough, le célèbre documentariste animalier anglais dont les films animent les soirées de Marina et son père. Le chimpanzé, le chien et l’oiseau fournissent des modèles comportementaux à la jeune fille qui cherche à se positionner dans le monde. Avec son amie Bella, elle investit l’espace de sa chambre comme celui de la rue par des chorégraphies à la fois sauvages et impeccablement millimétrées, dans des danses qui sont de véritables performances ou rites de retour à la Nature. Elles inscrivent leur corps dans un rapport distant au réel qui devient un terrain de jeu. Un bien triste terrain cependant, qui baigne dans une lumière blanche désincarnée, où la psychologie semble avoir déserté l’écran pour laisser place à l’attitude. C’est par les positionnements de leur corps que se construisent les personnages : Bella qui séduit tous les hommes, avide de contact sexuel ; Marina qui tente d’imiter la parade nuptiale de son amie mais abandonne bien vite la mascarade ; et le chef de la horde, le père de Marina, qui préfère laisser à sa fille le secret de ses accouplements quand lui-même lutte contre la maladie, et voit son corps s’affaisser chaque jour un peu plus.

Mais derrière ces images glacées à la rigueur géométrique et ce systématisme comportemental, la froideur laisse place à une profonde et attendrissante solitude. Etre humain consiste à dépasser l’attitude vers le psychologique, le comportemental vers l’expressivité émotionnelle. Dès lors, se dessine la possibilité de l’incommunicabilité et la déception du manque d’implication de l’autre dans une relation. Le confort de l’état animal résidait dans l’absence de questionnement de l’autre, dont la position est d’emblée acquise, congénère ou prédateur. Pour ces jeunes filles en quête d’identité et donc d’incarnation, c’est par le sexe d’abord que l’âme semble pouvoir s’exprimer, et s’expérimenter. Le formalisme apparent des jeux des deux amies témoigne alors de la grâce infinie d’une jeunesse un peu paumée, qui doit accepter son humaine et inaltérable solitude, face au mystère que sera toujours son prochain.

Viviane Saglier

une sensualité ébouriffée

Le Sauvage

Tout le monde court après Nelly ! Son fiancé, mafioso passionné et violent qu’elle a quitté au beau milieu de la nuit quatre jours avant leur mariage, son ex-employeur, gérant de boîte de nuit dandy à qui elle a volé un original de Toulouse-Lautrec, et Martin, qui aimerait bien se débarrasser d’elle maintenant qu’elle s’est incrustée sur la petite île paradisiaque coupée du monde où il était venu chercher un exil tranquille. Car lui aussi, à sa façon, est un voleur en fuite, et ces deux sauvages qui tentent d’échapper à leur destin vivront bien des aventures avant de parvenir à s’apprivoiser l’un l’autre…

Pour son troisième film, auréolé de quatre nominations aux Césars de 1976, Jean-Paul Rappeneau signe une comédie pétillante, dynamique et pleine de sel, tournée entre Caracas, New-York, les Bahamas et les Iles Vierges. Dans le rôle de Nelly, Catherine Deneuve rayonne de sensualité ébouriffée : loin des compositions de beauté glacée auxquelles l’avaient jusque là habituée des réalisateurs comme Buñuel, Melville, Truffaut, Polanski ou Varda, elle incarne ici une tête à claques (qu’elle rend volontiers) irrésistiblement insupportable, prête à toutes les folies et à tous les caprices pour ne jamais interrompre sa course. Face à elle, Montand campe un doux sauvage au charme hirsute, Robinson Crusoé moderne lassé des mondanités, qui n’aspire qu’au calme et peine à gérer les catastrophes engendrées par l’encombrante blonde. C’est la rencontre du chaud et du froid, de la tempête et du roseau, les antagonismes faisant d’autant plus d’étincelles qu’ils sont exacerbés par la proximité forcée et la naissance des sentiments.

La mise en scène, virevoltante, caresse aussi bien l’élégance naturelle de ce couple de cinéma filmé à l’état brut qu’elle soigne la beauté des grands espaces (les eaux turquoises de l’Atlantique, les labyrinthes de la capitale du Venezuela), et fait la part belle aux nombreuses séquences de courses poursuites qui rythment cette comédie d’aventures jubilatoire.

Le Sauvage clôturera le Festival et sera présenté par Jean-Paul Rappeneau avant sa projection donnée gratuitement en plein air sur le parvis de la Médiathèque Michel Crépeau. Un évènement à ne pas manquer !

Alexandre Agnès

Une nuit rouge et blanche

Le Cauchemar de Dracula

A peine le titre de Dracula est-il apparu à l’écran, en lettres rouges sur un cercueil, qu’il est souillé par d’ostensibles – mais délicates – taches rouges sang, appuyées d’un motif symphonique tonitruant. Le ton est donné. Dans Le Cauchemar de Dracula, on a notre comptant de pittoresques hurlements de jeunes femmes et de chouettes déchirant la nuit, de combats acharnés entre hommes avec costumes et coiffures gominées. Et aussi d’autres gouttes de sang, sur des dents et des robes blanches.

Le décor aussi est là : murs et sculptures en carton, têtes de sagliers empaillés et deux-trois hallebardes éparpillées sur les murs ; autant d’éléments qui ne renvoient plus qu’à leur effort de faire Moyen-âge. Son symbolisme des couleurs, si marqué, devient lui aussi presque folklorique : tout est gris sombre, sauf les costumes et les objets clefs, qui déclinent toutes les gammes dans les rouges et dans les bleus. On apprécie également les quelques réjouissantes fantaisies qui s’échappent, comme les colonnes torsadées du château de Dracula. Et puis il y a enfin la première apparition d’un des plus grands visages du mal du cinéma, celui de Christopher Lee.

Le film n’est certes guère plus très terrifiant, mais le charme désuet de sa pudique mise en scène horrifique de la Hammer Film Production n’est pourtant pas la seule raison de le voir. Le drame arrive en effet parfois à nous saisir, dans ces enjeux de morale très catholique et ce jeu très classique.

De Murnau à Coppola en passant par Herzog, le Dracula de Bram Stocker aura inspiré beaucoup de grands cinéastes. L’histoire de ce vampire et de sa puissance maléfique, séductrice, immortelle et omniprésente les attirant par différents aspects. La dualité de l’homme pour Murnau, sa folie pour Coppola et la décadence du monde pour Herzog. Fisher, lui, s’intéresse plus prudemment à ces hommes – Jonathan puis Arthur – qui, guidés par la figure intègre de Van Helsing, cherchent à sauvegarder leur vertu face aux tentations de l’amour et de la chair. Certes il s’agit sûrement d’une des versions les plus pudiques. On ne se mord qu’entre personnes de sexes opposés et le raccord tombe sur la scène quand celle-ci manque de décence. Mais en montrant moins, on suggère aussi plus. Et l’on ne peut qu’imaginer ce que l’on veut derrière les ellipses à répétition. Finalement, derrière sa moralité apparente, c’est peut-être dans ces pulsions là que le film laisse le plus de plaisir au spectateur. Dans l’ambiguïté de l’expression du visage de Mina lorsque Dracula s’avance au-dessus d’elle. Ambiguïté qu’aucun raccord ne vient préciser. En tout cas, ces vampires-là ont sûrement plus de perversité que ceux d’aujourd’hui.

Matthieu Gaudet