Nuit blanche Polars français mythiques

Sébastien Moreno

Pour commencer, Le Général de l’Armée Morte, en hommage au grand écrivain albanais Ismaël Kadaré, dont presque toute l’œuvre est parue chez Fayard. Ce film n’est ni tout à fait policier ni tout à fait français ; mais c’est sans doute parce qu’il a des allures de fable politique. Un homme enquête sur un meurtre dont il découvre qu’il s’agit d’une punition : la victime, un ancien assassin, a payé de sa mort celles qu’il a causées. Une façon aussi de saluer Michel Piccoli, interprète et co-producteur du film de Luciano Tovoli, directeur de la photo pour Antonioni, Ferreri ou Pialat.
Avec Toi le venin, qui marqua la fin des années 1950, on est bien, en revanche, au cœur de l’opaque fatalité du film noir cher à Frédéric Dard (dont Fayard réédite les vrais polars) et au ténébreux Robert Hossein. Personne n’a oublié sa musique lancinante : papadapabapapadaba papa… papadapabapapadaba papa… et la ressemblance troublante des sœurs Poliakoff en beautés fatales. Au-delà de son parfum d’époque, ce film n’a rien perdu de son charme vénéneux.

Pour suivre, une vraie rareté, offerte par le Festival au public de la Nuit Blanche : Le Coup de grâce. Pour Jean Cayrol, scénariste et réalisateur de ce long métrage – le seul de sa carrière, comme de celle de Claude Durand, co-auteur et co-réalisateur du film -, Le Coup de grâce est comme un « filet de citron sur une écorchure ». L’association entre l’écrivain, poète et romancier, auteur des Poèmes de la nuit et du brouillard, et le traducteur de Cent Ans de solitude, éditeur de Soljenitsyne et actuel PDG des éditions Fayard, a produit un film inclassable, à la noirceur cachée, qui suit une longue traque dans un Bordeaux noyé de soleil. On y retrouve Michel Piccoli, avec Danielle Darrieux et Emmanuelle Riva.

La nuit gagnant en épaisseur, on aura l’occasion, assez peu fréquente elle aussi, de revoir le film maudit d’un auteur maudit entre tous : Les Espions, de Henri-Georges Clouzot. Les acteurs de ce faux film d’espionnage, Curt Jurgens en tête, sont soumis à on ne sait quelle torture. Ressuscitée vingt ans après sa création, la collection Fayard Noir, toujours plus noire, trouve avec Les Espions un alter ego par l’image.

Il faudra enfin, avant l’aube, se redonner un peu de couleurs. Flic Story (adapté d’un récit de Roger Borniche, auteur Fayard) fera l’affaire. Sous la direction du trop méconnu Jacques Deray, on y assiste à l’affrontement de deux stars du cinéma français, Jean-Louis Trintignant et Alain Delon. Chacun, tueur implacable ou jeune inspecteur courageux, illustre ce qui n’a jamais manqué au polar tricolore, un certain panache.