La revue « Positif »

Fondée en 1952 à Lyon par Bernard Char-dère et un groupe de ses amis hypokhâgneux, « Positif » se situe dans ce mouvement cinéphi-lique et culturel qui se développe alors. Il existe de nombreuses revues de cinéma. Les « Cahiers » sont nés peu avant, ont repris la tradition vénérable de l’ancienne « Revue du Cinéma » ; « L’Age du Cinéma » est d’inspira-tion surréaliste ; il y a aussi le « Raccords » de Gilles Jacob, « Séquences » de Tailleur, Pérez, Seguin… Va naître bientôt « Cinéma 53 ». Les écrivains qui font autorité sont André Bazin, Georges Sadoul. Chaque semaine sort un inté-ressant hebdo proche du P.C., « l’Écran Fran-çais ». Ce milieu va évoluer assez vite. Outre la concentration parisienne (« Positif » va bientôt quitter Lyon pour Paris), on verra un renfor-cement des revues liées à une fédération de ciné-clubs (apparition d’« Image et Son », de « Jeune Cinéma »), et une relative politisation (les « Cahiers » sont animés par les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, qui écrivent aussi dans « Arts », et sont classés à droite ; « Positif » est plutôt vue comme à gauche). De nouvelles revues apparaissent, disparais-sent : « Miroir du Cinéma », « La Méthode », « Art sept »… L’histoire plus récente est mieux dans les mémoires. Pour sa part, « Positif » a vécu les événements des trente ans de sa vie autant pour leur impact propre que pour leur influence cinématographique. Lutte contre la censure, guerre d’Algérie, montée du tiers monde, mai 68, luttes diverses et évolutions culturelles en France et dans le monde… impliquent nos rédacteurs, trouvent un écho dans nos pages. Nos rédacteurs : la conception qu’a « Positif » du travail d’équipe, c’est sans doute ce qui reste le plus vivace depuis l’origine. Mélange de professionnalisme et d’amateurisme, coop-tations et amitiés, un certain ton oecuménique de gauche qui nous a fait reprocher notre « laxisme », tout cela a servi à sauvegarder le plaisir d’ceuvrer en commun, certes, mais aussi nous a peut-être évité les virages à 180 degrés, les dogmatismes successifs et contra-dictoires de tel ou tel de nos collègues. Sur le plan strict de la critique de cinéma, « Positif » a toujours eu l’ambition de faire connaître et aimer le cinéma, aussi bien celui qu’on appelle « commercial » parce qu’il s’a-dresse à un vaste public, que celui qui naît, qui émerge, entre les mains de créateurs inconnus, provenant de pays pauvres ou igno-rés. Quand nous regardons la liste des films que nous pouvons légitimement prétendre avoir aidé à « sortir », à trouver leur public, nous estimons que nous avons fait notre boulot. Et aussi bien quand nous avons fait connaître Brocka, Med Hondo, Angelopoulos, Catherine Binet, Pintilié, que lorsque nous avons sou-tenu la diffusion de la comédie italienne, ou que nous prônions, parmi les outsiders améri-cains, un nommé Coppola, pour son très beau « Les gens de la pluie ». Oui, finalement, on a eu bien raison de faire « Positif ».