Lotte Reiniger

Cinéaste, Allemagne

Lotte Reiniger, de son vrai nom Charlotte Reiniger, née le 2 juin 1899 à Berlin et morte le 19 juin 1981 à Dettenhausen (Bade-Wurtemberg), est une réalisatrice de films d’animation allemande, puis britannique.

Elle signe avec Les Aventures du prince Ahmed, l’un des tout premiers longs métrages d’animation de l’histoire du cinéma. Œuvre d’une grande précision technique, le film comporte plus de 300 000 images ; à 24 images secondes, soit 65 minutes de film. On comprend facilement que trois années furent nécessaires de 1923 à 1926 à Lotte Reiniger pour réaliser un pareil exploit de finesse et de souplesse dans le mouvement. À Lotte s’ajoutaient Carl Koch à la prise de vue, Berthold Bartosch aux effets spéciaux et Walter Ruttmann pour les arrière-fonds qui étaient manipulés séparément des personnages. Paul Wegener fut impressionné par les silhouettes que Reiniger faisait de lui et des autres acteurs du théâtre de Max Reinhardt. Il lui proposa de mettre quelques-unes de ses « ombres chinoises » dans un de ses films qu’il préparait avec d’autres jeunes cinéastes d’avant-garde, comme Carl Koch, qui allait devenir le mari de Lotte et avec qui elle allait faire tous ses films.

Elle fit par la suite un autre long-métrage, Les Aventures du Docteur Dolittle, mais sa sortie concordait avec le passage du cinéma muet au cinéma parlé, et le film passa à peu près inaperçu. Elle collabora aussi à une réalisation de son mari, dans laquelle jouaient Berthold Bartosch et Jean Renoir, devenu très proche du couple après la sortie des Aventures du Prince Ahmed en France. Là non plus, le succès populaire ne se fit pas sentir. Malgré ce fait, après la guerre, Lotte Reiniger se remet à faire ce qui avait fait sa réputation : des courts-métrages inspirés de contes, auxquels elle ajoute comme support sonore des œuvres classiques, souvent des pièces de Mozart qu’elle affectionne plus particulièrement. Lotte Reiniger ne plaisait guère aux nazis en raison de sa proximité avec la gauche sous la République de Weimar.

Après l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 et la promulgation des lois sur l’art dit dégénéré, le couple Reiniger-Koch conçut le projet de quitter Berlin pour s’établir à Londres, mais il ne réussit à partir qu’en 1936, après avoir réalisé en Allemagne de nouveaux films, dont Carmen (1933) et Papageno (1935). Comme le visa qu’ils obtinrent n’était pas permanent, ils furent condamnés à l’errance entre Paris et Rome, avant de devoir retourner à Berlin pendant la Guerre. Le peu de temps que le couple Reiniger-Koch passa à Londres lui permit néanmoins de fonder une société cinématographique, la Fantasia Productions ltd, où elle créa de petits films musicaux d’ombres chinoises. Après avoir continué à travailler à Berlin après la Guerre, le couple Reiniger-Koch s’est finalement installé à Londres en 1949.

Il est difficile de nos jours d’avoir accès aux films de Reiniger, puisque plusieurs de ses bandes maîtresses ont été abîmées ou perdues au cours des deux guerres mondiales. Cependant la pérennité de son œuvre est assurée par certains organismes comme la Cinémathèque québécoise à Montréal et le Goethe-Institut qui se sont associés en 2003 pour faire une grande rétrospective de ses œuvres, ainsi que par l’ONF où elle a dirigé des ateliers sur l’animation et où elle a même produit des films dont Aucassin et Nicolette. Étant pratiquement sans émules même encore aujourd’hui, à l’exception peut être du travail de Michel Ocelot (Princes et princesses, Kirikou et la sorcière, Azur et Asmar), le travail de Lotte Reiniger demeure fascinant et plus actuel que nombre de films des années 1920…