Porte drapeau de la nouvelle génération du cinéma coréen

Ahn Byung-sup

Bae Chang-Ho l’un des metteurs en scène les plus populaires en Corée du Sud est né le 16 mai 1953 à Taeku, la capitale d’une province du Sud. Il fait ses études au Lycée de Séoul, un des établissements les plus prestigieux du pays et obtient un diplôme de commerce et administration à Yonsei, Université de Séoul.

Après ses études, à partir de 1977 il travaille pendant un an comme directeur de la succursale de la Hyundai Trading Co à Nairobi au Kenya.

En 1980, Bae entre dans le monde du cinéma en gagnant le prix du meilleur scénario, concours organisé par la Korean Motion Picture Promotion Corporation. C’est ainsi qu’il devient l’assistant d’ un metteur en scène très connu, Lee Chang-ho, qui était son aîné au Lycée de Séoul. Il sera l’assistant de Lee pour le tournage de deux films : Happy is a Windy Day et Children of Darkness. En 1982 il dirige son premier film Les Gens d’un bidonville (Kobang Dongnae Saramdul), qui reçoit le Prix du Meilleur Film de l’Année, décerné par l’association des critiques de films coréens.

Depuis, Bae a mis en scène douze films. Fleur tropicale (Chukdoui Kod, 1983), remporte le prix du meilleur metteur en scène au Asia-Pacific Film Festival : Profonde nuit bleue (Kitpko Purum Bam, 1985), obtient le prix du meilleur film dans le même Festival ainsi que l’Oscar Coréen le : Grand Bell Award.

En 1988, Bae est invité à faire une série d’exposés sur le cinéma pendant un semestre, à San José State University en Californie

Par ailleurs il apparaît dans Gagman (1988) un film de Lee Myong-se, qui avait été son assistant.

Dans l’histoire du cinéma coréen, commencée en 1919, Bae Chang-ho appartient à la quatrième génération de cinéastes.

La première génération est représentée par des pionniers tels que les metteurs en scène Na Un-gyu et Lee Kyu-hwan qui résistèrent pendant les années 20 à l’emprise coloniale des japonais.

La deuxième génération avec Shin Sang-ok, Kim Ki-yong et Yu Hyon-mok décrit, au lendemain de la guerre de Corée (1950-53), la transformation de la société coréenne en une société civile.

Les principaux metteurs en scène de la troisième génération : Lee Chang-Ho, Ha Kil-jong, Kim Ho-son, dans les années 70, introduisent un nouveau sens commercial dans l’industrie cinématographique tandis que l’industrialisation du pays progresse de plus en plus rapidement.

Au début des années 80, Bae Chang-ho devient le chef de file d’une nouvelle politique cinématographique. En produisant des films qui s’adressent aux nouvelles générations, il innove et ouvre une nouvelle page de l’histoire du cinéma coréen. Ses films sont avant tout des films de divertissement, une expérience tout à fait nouvelle pour beaucoup de coréens. Ils battent tous les records d’entrées. Par leur fraîcheur et leur drôlerie, ces films apportent une vitalité nouvelle au cinéma coréen qui vient de traverser une longue période de morosité..

Le premier film de Bae Chang-ho Les Gens d’un bidonville décrit avec une grande intensité dramatique la vie et les amours des pauvres gens dans un univers urbain. Soigneusement mis en scène, ce film fait date dans le cinéma coréen par son réalisme.

Son second film Les Hommes de fer (Chul Indul, 1982) est presque un film de propagande pour l’industrie qui démontre comment à force de volonté, l’homme surmonte ses épreuves grâce à l’amour et à la compréhension.On ne peut oublier Fleur tropicale dont les thèmes : l’indifférence à l’homme et la rédemption par l’amour sont chers à Bae Chang-ho et se retrouveront dans toute son oeuvre.

Le Chasseur de baleines (Korae Sanyang, 1984), une comédie dont la causticité et l’humour enchantent les jeunes de Séoul. Adapté du roman du même titre du célèbre auteur Choi In-ho, le film retrace les aventures d’un jeune homme qui essaie de persuader une jeune paysanne venue à Séoul sans but précis, de retourner au pays.

Plus tard, Bae tournera d’autres films d’après des romans de Choi In-ho.

Il faisait doux cet hiver-là (Kuhae kyaulun Tadudhaednae, 1984) est à l’inverse un mélodrame qui retrace l’histoire de deux soeurs séparées pendant la guerre de Corée.et leurs retrouvailles des années plus tard. La soeur aînée est devenue une riche musicienne, alors que la plus jeune, ouvrière dans une usine, a connu des moments très difficiles. Le film met en lumière les blessures laissées par la guerre et souligne l’égoïsme des individus qui n’ont lutté que pour survivre.

Profonde nuit bleue (Kitpko Purum Bam, 1985), est un autre mélodrame bien fait qui dépeint la frustration d’un jeune émigrant coréen aux États-Unis ne parvenant pas, malgré ses efforts désespérés, à acquérir la nationalité américaine.

A la même période, Bae commence à découvrir une esthétique cinématographique d’une nouvelle dimension. S’éloignant de sa première manière de filmer pleine de joie de vivre, il semble acquérir une nouvelle maturité et devenir un artiste sérieux.

Hwang Chinee (Hwang Chin-i, 1986) est la première oeuvre à refléter son nouveau style. Ce film a attiré l’attention pour deux raisons.

Premièrement, il décrit la vie d’une célèbre kisaeng (courtisane comparable aux geisha japonaises) douée d’une vision originale et de nombreux talents artistiques.

Mais à l’instar des nombreuses autres histoires concernant sa vie, Hwang Chin-i est décrite dans ce film comme une artiste solitaire de la période Choson qui fit découvrir les arts populaires à une société coréenne largement dominée par les principes moraux rigides du Confucianisme.

Deuxièmement, la fréquente utilisation de longs plans-séquences destinée à mettre en valeur l’importance de certaines scènes.

Cette nouvelle démarche, bien que les films aient été critiqués par la majorité du public et des critiques coréens, atteste du fait que Bae Chang-ho s’est affirmé comme un artiste dont la vision est en avance sur son temps.

Bae continue à employer la même technique de longs plans-séquences dans ses derniers films, comme Tendre jeunesse (Kipun Uri Chulunal, 1987) oeuvre presque autobiographique, dans laquelle les souvenirs de son premier amour sont accompagnés à l’écran par la sérénade de Toselli.

Bonjour Dieu (Anyunghasaeyo Hanahim, 1988) retrouve son thème favori de la rédemption des êtres humains par l’amour, reflet de la douceur et de la générosité de son caractère.

Le Rêve développe la théorie bouddhiste de la vanité des biens de ce monde en racontant l’histoire d’un jeune moine qui réalise que l’amour qu’il porte à n’est qu’un rêve.. Cet épisode légendaire de la période Shilla a déjà été porté à l’écran deux fois par Shin Sang-ok, d’abord en noir et blanc, et ensuite, en couleur. Dans cette troisième version, Bae souligne la nature tragique de la condition humaine d’un point de vue pessimiste et une candeur presque cruelle. Il est intéressant de noter que ce film en dépit de ses grandes qualités artistiques a été presque aussi mal reçu par le public coréen que Hwang Chinee.

En conclusion, Bae Chang-ho est un humaniste qui croit au pouvoir rédempteur de l’amour et transmet ce message à travers ses films. C’est un artiste important qui a apporté un nouveau style et une sensibilité originale au cinéma coréen.