Les Deux Orphelines

David W. Griffith

États-Unis — 1921 — 2h05 — 35mm — noir et blanc

Titre original Orphans of the Storm Scénario Marquis de Trolignac (D. W. Griffith) Image Henrik Sartov, Paul Allen, G. W. Bitzer Montage James Smith, Rose Smith Décors Edward Scholl Production D.W. Griffith Productions Interprétation Lillian Gish, Dorothy Gish, Joseph Schildkraut, Frank Losee, Katherine Emmett, Lucile La Verne, Frank Puglia Source Madadayo Films

À Paris, peu avant la Révolution Française. Deux orphelines sont séparées par le destin. L’une, aveugle, est exploitée par une horrible mégère. L’autre devient la proie d’un marquis débauch, qui veut la séduire de force…

« Griffith n’est pas seulement un géant parce qu’il a dégrossi une fois pour toutes et pour tous les deux ou trois hypothèses de base du cinéma, mais parce qu’il a montré des choses qu’on n’a plus jamais vues depuis. Des choses limite, toujours. Des choses qui tendent vers leur limite. Une innocence telle qu’elle appelle la souillure. Une cruauté telle qu’elle appelle le lynchage. Une guerre si généralisée qu’elle appelle la paix. Griffith filme comme on boxe, avant et après la limite. Il ne se fixe pas d’autre but que de capter le visage du condamné qui, grâcié, se croit déjà mort. « Il avait, a écrit James Agee, un appétit démesuré pour la violence, pour la cruauté et pour ce frère jumeau de la cruauté : une espèce de sensiblerie obsessionnelle qui, en poussant un peu, devient presque répugnante. » Griffith obsessionnel et montreur fou, à mi-chemin de Dickens et Bataille. Ceux qui ont vu Les Deux Orphelines savent de quoi il est question. De quels retournements il retourne. De l’impossibilité d’oublier la phrase géniale d’Henriette Girard condamnée à mort demandant au Comité de salut public de parler moins fort puisqu’il y a dans l’assistance sa sœur « qui est aveugle ». De l’impossibilité de réunir les deux orphelines tant que la démocratie n’aura pas triomphé en France. Du geste tranche-gorge de Robespierre et de la chevauchée de Danton. De la bacchanale des aristocrates à laquelle répond, plus tard, la carmagnole du peuple fou. De tous les films du cycle sur la Révolution Française vue par Hollywood, Les Deux Orphelines, n’est pas seulement le plus sidérant, c’est le moins frivole. »

Serge Daney, Libération