Jiří Brdečka (1917-1982)

Xavier Kawa-Topor (délégué général de NEF Animation)

On le surnomme parfois le «Lubitsch tchèque» en raison de l’élégance de son humour et de sa mise en scène. Écrivain, critique, scénariste, créateur entre autres du western parodique Joe Limonade (1964) très populaire dans son pays, Brdečka joue un rôle central dans la fondation de «l’école tchèque» de l’animation et l’effervescence artistique qu’elle connaît avant la répression du Printemps de Prague. Compagnon de route de Jiří Trnka, pour lequel il écrit notamment le scénario du Chant de la prairie (1949) et collabore à ceux du Rossignol de l’empereur de Chine (1949), des Vieilles Légendes tchèques (1953) et du Songe d’une nuit d’été (1959), Brdečka contribue également aux Aventures fantastiques (1958) de Karel Zeman, l’autre géant de l’animation tchèque et à son Baron de Crac (1961) Il est lui-même le réalisateur de nombreux courts métrages d’animation parmi les plus marquants de la période. Pourtant peintre et dessinateur, Brdečka n’est jamais l’auteur graphique de ses propres films, préférant s’adjoindre à chaque production les talents de l’artiste dont le style sert au mieux son propos, et se consacrer à l’écriture et la mise en scène où il excelle. L’Amour et le dirigeable (1948), le premier film dont il signe la réalisation, impose d’emblée la vivacité d’un style. Ode à la liberté, à l’inspiration et à la jeunesse contre le pouvoir coercitif de l’ordre établi, il introduit le thème cardinal de l’œuvre de Brdečka. Gallina vogelbidae (1963), allégorie du monde derrière le Rideau de fer, reçoit le Grand Prix au festival d’Annecy et lui apporte une reconnaissance internationale. Pourquoi souriez-vous, Mona Lisa? (1966) témoigne du goût du réalisateur pour la parodie et le détournement, à l’instar de Comment faire de l’humour (1970) où l’enseignement d’Aristote est troublé par l’apparition d’une séduisante jeune fille répandant autour d’elle un enivrant parfum d’érotisme et de liberté. Satiriste, moraliste non dépourvu d’humour noir (Le Pouvoir du destin, 1968), Brdečka use aussi d’une palette plus sombre dans le faustien Vengeance (1968), autre sommet d’une œuvre à redécouvrir, quarante ans après sa disparition.