Autour de Georges Delerue

Stéphane Lerouge

« Georges Delerue glissait dans mes films tout ce que je ne parvenais pas à y mettre moi-même, sans doute par pudeur. J’étais la désinvolture, la superficialité, il était la profondeur. »
Philippe de Broca

« Au cinéma, le compositeur est vraiment le collaborateur qui peut apporter à unfilm un surplus d’émotion… » C’est en ces termes que Georges Delerue évoquait son double statut d’homme de musique et d’image. Et immédiatement, parmi deux séquences entre cent, on pense à la douleur tragique que Delerue fait éclater sur le visage de Romy Schneider dans L’important, c’est d’aimer de Zulawski. Ou, dans La Nuit américaine, à la plénitude de son Grand Choral, sublimant la fusion des gens de cinéma dans l’accomplissement de leur art.  Malgré sa trajectoire spectaculaire, ses trois cents partitions pour l’image, son Oscar, ses rencontres avec François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Melville, Alain Cavalier,  John Huston, Bertrand Blier, George Cukor ou Oliver Stone, Georges Delerue est toujours resté l’homme simple et discret de ses débuts. Pendant plus de trente ans, il a sincèrement épousé le cinéma français, anglais et américain dans sa pluralité. Jamais il n’a tenu compte de cette barrière caricaturale artificiellement dressée entre cinéma d’auteur et cinéma spectacle. D’ailleurs, dans  quelle mesure ses dix-sept longs métrages avec Philippe de Broca, à commencer par L’Homme de Rio, ne relèvent-ils pas du cinéma spectacle d’auteur ?

« Le compositeur de musique de film doit être l’homme de toutes les cultures », affirmait également Georges Delerue. De fait, son oeuvre fuit l’uniformité pour, au contraire, trouver  l’inspiration dans des registres variés et complémentaires : un goût pour les valses des faubourgs flirte avec un sens personnel du pastiche pour les musiques d’époque, celles du  Moyen-Âge et de la Renaissance en particulier. A l’intérieur d’une même partition, un lamento pour violoncelle peut s’encanailler auprès d’une java un peu allumeuse. Cette versatilité,  pleinement assumée, révèle la personnalité – ou plutôt les personnalités – d’un créateur d’origine modeste, qui a appris le langage de la musique, s’est intéressé à son histoire, s’est grandi  u contact de hautes figures du siècle passé, comme Darius Milhaud, l’un de ses maîtres. Est-ce un hasard si, quand le film l’autorise (Police Python 357, Quelque part quelqu’un),  Delerue radicalise son écriture, prouvant au passage qu’il est également un compositeur de son temps ?

À travers ses différentes articulations (leçon de musique, concert, nuit blanche), l’hommage du Festival de La Rochelle à Georges Delerue nous raconte l’histoire d’un fils du Nord qui, de  son Roubaix natal aux collines d’Hollywood, a voué sa vie à la musique et au cinéma, avec la grandeur d’âme des vrais modestes.