James B. Harris

Pierre Rissient

Il est difficile de penser à Hollywood sans penser à ce qu’il est convenu d’appeler la réus-site. Même les plus artistes, les plus intègres des metteurs en scène que nous aimons étaient ou sont menés par une ambition démesurée, voire frénétique — ambition qui provoqua tant leur succès que, souvent aussi, leur chute, et l’échec de leurs désirs profonds. Je ne parle pas de quelques grands qui ont connu l’insou-ciance de leur chance (Walsh pour sûr, Allan Dwan et quelques autres aventuriers). Il y a bien eu quelques excentriques qui ont déli-bérément tourné le dos à Hollywood. Je ne pense pas à certains marginaux ou à quelques autres qui, pour diverses raisons, se sont rapi-dement marginalisés avant d’être éliminés à jamais (il semble qu’il y ait eu une hécatombe lors du passage du muet au parlant). James B. Harris a lui aussi tourné le dos à Holly-wood par décision, sans excentricité. Et pour-tant son rôle actif auprès de Stanley Kubrick sur le tournage d’ Ultime Razzia, des Sentiers de la gloire et de Lolita, la préparation de Docteur Folamour et la réussite remarqua-ble de son premier film, voire la position de son père dans l’industrie, lui permettaient d’entrer dans les studios sur un tapis rouge. On aurait sans doute pu déjà se méfier de quelqu’un qui faisait appel à des écrivains aussi peu « hollywoodiens » que Jim Thomp-son ou Calder Willingham. Après le brillant début, donc, de Aux postes de combat, James B. Harris n’a tourné que trois films qui, sans doute, dessinent moins une oeuvre, en tous cas au sens convention-nel de ce mot (d’autant qu’on les a vus à des années de distance ; et, sans doute, leur con-frontation à La Rochelle accusera leurs lignes de force au-delà d’une certaine dissemblance de surface), qu’ils ne donnent à leur auteur une image, ou plutôt une ombre, que l’on retrouve derrière ces quatre films — image, ombre, qui, comme chez certains poètes, sont beaucoup plus garantes d’une véritable indi-vidualité que l’entêtement de beaucoup à se vouloir auteurs… James B. Harris fait un peu penser à un éternel adolescent qui par roman-tisme, insouciance, fatalité qui sait, n’en finit pas avec son compagnonnage… le style de vie, le sens moral, choses peu communes aujourd’hui, étant sans doute plus importan-tes à ses yeux que tous les signes de réussite, à Hollywood ou ailleurs. James B. Harris ou « la fatalité de la morale », comme différemment avant lui Ida Lupino, Harry d’Abbadie d’Arrast et, aujourd’hui Lino Brocka, Jane Campion. Pensons-y…