Cinémarge

DIFFERENCE 77
Sous ce titre générique sont présentés un ensemble de courts, moyens et longs métrages, sans exclusive de format, qui té-moignent de ce qu’est ou de ce que peut être un cinéma « en marge », ici et maintenant.

IMAGE DE « DEVIANCE »
Voir les images sociales de l’homosexuali-té ; comment elles sont prises, assimilées, digérées, tournées, détournées dans ce ci-néma. Voir comment ce cinéma fonctionne non pas seulement pour un public spécialiste/ spécialisé avec ses salles adéquates mais avec LE public. Déceler l’image de ces images. Quel genre de discours elles produisent et comment ce discours s’articule aux/à tra-vers les fantasmes et vice-versa. De quoi parlent ces images, ces sons et comment ? Ne pas comprendre ( con/prendre ) mais voir comment « ça » fonctionne. Voir les rapports entre un hard-core new yorkais et un super 8 de Lionel Soukaz. Voir le discours qui circule dans l’un, dans l’autre, et peut-être de l’un à l’autre. Ne pas oublier le refoulement social/ sexuel et sa transcription cinématographi-que. Déculpabiliser, destabiliser, déconnecter, dé-spécialiser ce cinéma, non pas pour le réinjecter dans l’échange social dominant mais pour tenter d’y « voir plus clair ». Voir ce que le fantasme fait passer dans l’image et ce que le fantasme fait lire dans la même image. Voir le détournement de sens que produit la lecture de cette image. Le film ne s’arrête pas à la porte de la salle obscure et le désir ne reste pas au vestiaire. Ça circule. (Vous ne savons pas encore si ce cinéma existe en tant qu’entité. Mais, au travers de certains exemples qui nous sont con-nus, il nous est possible de répondre un « peut-être ». Et c’est en partant de ce « peut-être » que nous voulons conjuguer ces deux catégories marginales : catégorie du désir, catégorie du cinéma pour parler de l’existence et du mode de fonctionnement de ce discours cinématographique.

MAI 68 / JUILLET 77
Rassembler les différents films réalisés du-rant ce printemps, à Paris mais aussi en province, films aboutis ou inachevés, cela importe peu, pour voir et entendre com-ment ont fonctionné ces images ; quel ty-pe d’intervention elles rendaient possible ou impossible ; ce qu’elles ont montré, ce qu’elles montrent aujourd’hui. Qu’est-il possible de dire/de « faire » voir de 68, aujourd’hui ? Nous savions en mettant sur pieds ce projet que nous allions froisser des susceptibilités idéologiques, ranimer de vieilles querelles de chapelle, déranger ( avec ) ces images sur lesquelles pèsent des tabous. Il faudra se défier de la sacralisation de l’événement : les pellicules invisibles qui font rêver les cinéphiles : «J’ai vu tout Godard, sauf les ciné-tracts». Notre projet ne se nourrit pas de cela nous n’avons nulle envie d’exhiber, montés bout à bout, les films de Mai 68 comme des objets de musée : contemplation/accu-mulation/discours clos. Pour nous 68 est la naissance d’une nou-velle forme de cinéma politique ; Eiseins-tein, Renoir et quelques autres n’ont cer-tes pas attendu les barricades de ce prin-temps pour inscrire sur l’écran un discours politique, et le cinéma « direct » ( ou véri-té ) avait déjà tenté, via ce média, une ap-proche sociologique du « réel ». Mais en 68, le cinéma qui s’est fait, a per-mis un nouveau mode d’articulation du ci-néma et du politique ; il s’agira donc de montrer le degré de pertinence de ce rap port, alors et maintenant.
Proposition de deux axes : tout d’abord une réflexion sur la pratique cinématographique dont ce cinéma est le concret visible, en tentant de mettre à jour les notions de faille/rupture qui traversent ces films ; comment fonctionne le « récit militant » ? Dans un second temps, voir/écouter com-ment ces films nous interpellent aujour-d’hui : simple bande souvenir, déjà jaunie, ou bien…
Nous ne voulons en aucune manière privi-légier un groupuscule ( défunt peut-être ), un parti ou un individu. Dans cette volonté, il ne faut pas voir une pratique de nivellement : « A = B, et les positions défendues se valaient bien », mais nous ne tenons pas à être les censeurs mo-raux, politiques, ou idéologiques des diffé-rentes pratiques qui se sont affrontées, il sera déjà suffisamment difficile d’être les coordonnateurs ( non neutres ) de cette confrontation. D’une part, nous intéresse la mise en pré-sence de ces différentes productions : comment ce cinéma se nourrit, mais aussi fabrique l’Histoire ; d’autre part, nous in-téresse la mise en rapport des films entre eux : qui parle ? pour qui ? comment ? Une dernière question : A qui appartien-nent ces images ? Cette question n’est pas la plus pertinente, à notre sens, dans la mesure où elle fausse le problème. Il ne s’agit pas de savoir qui possède les images ? mais au contraire, de dire, que possèdent ces images, qui nous parle enco-re ? Le problème n’est donc pas celui de la dé-tention ( !! ) mais celui du fonctionnement des films. Il ne s’agit pas ici de commercialiser la nos-talgie ;il est question de voir, d’écouter, de travailler et d’apprendre d’un passé récent qui interfère sans cesse avec notre présent.