Concours de la jeune critique Europe Québec

— Édition 2023

En partenariat avec l’OFQJ (Office Franco-Québecois pour la Jeunesse) et le Festival du Nouveau Cinéma de Montréal

Vous avez moins de 30 ans ? Participez à un concours de critique à destination de jeunes cinéphiles autour des films québécois programmés durant la 51e édition du Fema, pour gagner une invitation au 52e Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, du 4 au 15 octobre 2023.

Le concours est terminé. Retrouvez ci-dessous le lauréat et la critique récompensée.

Pour participer, il fallait réaliser une critique écrite (300 à 600 mots), audio (moins de 2 min) ou vidéo (moins de 2 min) sur l’un des 3 films ci-dessous programmés lors du 51e Fema, avant le vendredi 07.07 à 10:00.

  • On dirait la planète Mars Stéphane Lafleur (Canada/Québec, 2022) — SAM 01.07 à 17:30, Dragon 5
  • Respire Onur Karaman (Canada/Québec, 2022) — MER 05.07 à 09:15, Dragon 5
  • Simple comme Sylvain Monia Chokri (Canada/Québec/France, 2023) — MER 05.07 à 20:00, Grande salle

Concours ouvert à toute personne âgée de moins de 30 ans.
Dépôt des critiques : avant le vendredi 07.07 à 10:00.
Résultat transmis dans l’après-midi du vendredi 07.07.

Le jury est composé de Guillaume de Seille, producteur, et Cédric Lépine, critique.


Lauréat

Clément Colliaux, 24 ans
Critique écrite sur Simple comme Sylvain
Il gagne une invitation pour le 52e Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, du 4 au 15 octobre 2023.

Guillaume De Seille, producteur et membre du jury, Arnaud Dumatin, co-délégué général, Clément Colliaux, lauréat, Sylvie Pras, co-directrice artistique

« Forces contraires

Simple comme Sylvain adopte dès son ouverture un rythme inattendu. La situation est bien connue : un dîner entre deux couples, deux bouteilles de vin ; une conversation d’intellectuels s’amusant du sort du monde. Mais Monia Chokri dynamise la séquence par une caméra mobile, qui recadre au vol les personnages, comme pour saisir leurs échanges sur le vif, et scrute avec une attention redoutable cette langue doucement hypocrite. C’est par cette position d’observatrice que la mise en scène va pouvoir enclencher une exploration, certes sentimentale, mais surtout largement sociologique des rapports amoureux, frayant ici en permanence avec les rapports de classe : Sofia (Magalie Lépine-Blondeau), professeure d’université quarantenaire passablement lasse de l’immobilisme de son partenaire, tombe un soir sous le charme de Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), ouvrier du bâtiment, autrement plus manuel, issu d’un milieu prolétaire moins lettré. Si le cœur de Sofia sera amené à balancer au cours du récit, Monia Chokri, à travers sa caméra, ne quittera quant à elle jamais cette position double, à la fois au cœur de l’intrigue, au diapason des sentiments de ses personnages, et à l’affût d’éléments révélateurs des constructions sociales qui les animent. Une forme qui épouse parfaitement les premiers émois amoureux, terrain miné de codes en tous genres. Ainsi, lorsque retentit « Still Loving You », classique éculé des ballades romantiques, en plein flirt au bar entre Sofia et Sylvain, le film parvient à la fois à accuser le kitsch de la situation et à figurer au premier degré, sans défaillir, l’élan de séduction qui gagne les personnages.

Bien que le film pourrait se prémunir davantage de basculer par moments dans l’un ou l’autre de ses deux extrêmes – d’une part, quelques procédés confinant à l’effet de manche (zooms pour surligner des gags, etc), de l’autre, un certain penchant pour une joliesse plus surannée (notamment quelques plans à demi-flous profitant de la lumière poudreuse du chef opérateur de Xavier Dolan) –, le style Chokri fonctionne particulièrement durant la première partie, au rythme enlevé tout à fait réjouissant. L’humour omniprésent, parfois fondé sur des sociotypes marqués à gros traits (les vains bourgeois pontifiants face aux prolétaires complotistes et alcooliques), n’empêche pas Simple comme Sylvain de pointer habilement des détails révélateurs plus pernicieux, de la tendance de Sofia à corriger, soi-disant sans arrières-pensées, les abus de langage de Sylvain, à la façon dont diffèrent, d’un partenaire à l’autre, ses ébats et son appétit sexuel. Pour tout ce que le film comporte de crudité (le « dirty talk » révèle lui aussi son pesant de caractéristiques sociales), d’ailleurs courageuse pour un film naviguant sous le fanion de la « comédie romantique », il parvient à ménager une frontalité plutôt pudique, la caméra observant souvent depuis une certaine distance, au travers de fenêtres, de pare-brises ou de miroirs. Car, ultimement, l’une des qualités de Simple comme Sylvain est de toujours maintenir son regard d’anthropologue en-dehors de toute tentation froidement entomologiste, en conservant pour ses personnages une sincère tendresse. »


Nous publions également la critique d’Augustin Sineux, que le jury souhaitait aussi distinguer, ainsi que celle de Yanis Mostefa-Sba, seule critique vidéo reçue.

Augustin Sineux, 25 ans
Critique écrite sur Simple comme Sylvain

« Sophia, une enseignante de philosophie à l’université du troisième-âge de Montréal coincée dans un couple à la sexualité plate débute une idylle fougueuse avec Sylvain, un viril charpentier des Laurentides chargé de rénover leur nouvelle résidence secondaire. Loin d’envisager la comédie romantique comme une occasion d’arrondir les angles de la rencontre de deux personnes éloignées par le milieu social, Simple comme Sylvain, le nouveau film de la cinéaste québécoise Monia Chokri, laisse bien en vue, sous les baisers, la cruauté du rapport de classe. C’est avec un joyeux effarement que le spectateur entend Sophia formuler, longtemps après les débuts de l’idylle, l’ambition de « rendre la pensée de Sylvain plus vaste » en corrigeant ses imprécisions lexicales.

Magalie Lépine-Blondeau excelle dans l’expression du bovarysme de Sophia, laissant voir la gangue de frustration et de tendresse dans laquelle elle flotte, avant que la rencontre avec le beau Sylvain (Pierre-Yves Cardinal, également formidable) ne la plonge dans une réjouissante confusion verbale, occasionnant un savoureux entrechoquement des registres de langue. En trois longs métrages comme réalisatrice, Chokri a développé une maîtrise du rythme comique particulièrement sensible dans la première partie du film. Le spectacle de la naissance d’une passion physique entre deux individus laisse l’inventivité du montage se déployer, depuis les trois plans synchronisés avec « Still Loving You » des Scorpions jusqu’à l’attente vaudevillesque de l’arrivée d’un préservatif oublié dans le pick-up.
La cinéaste arrive malheureusement à court d’idées lorsque l’autonomie des premiers jours de l’amour doit laisser place à l’acte diplomatique des présentations à la belle-famille. Alors que la question de l’écart sociologique semble former le cœur de l’intrigue, elle passe pourtant très vite sur l’analyse du nœud du problème, se bornant à constater un état de fait où les clichés abondent. Deux scènes de dîner – l’un encourageant, l’autre catastrophique – servent comme seule explication de l’impossibilité en général d’un amour inter-classe. De manière tout à fait attendue, ce sont les ruraux pauvres qui se montrent finalement les plus accueillants, sympathiques et au fond civilisés (les hommes acceptent de bonne grâce la corvée de vaisselle), malgré l’inévitable apparition des traces d’un obscurantisme dormant (complotisme, xénophobie). Par un jeu de contraste usé jusqu’à la corde, le dîner bourgeois est présenté comme un chemin d’embûches pour l’outsider (qui ne parle pas anglais), entre la sophistication excluante des goûts (le vin) et le fonctionnement de la présence d’un couple gay et d’une personne non-binaire comme un piège tendu au prolétaire.

Plus intéressante est la manière dont Chokri réunit les hommes des deux mondes sociaux dans l’expression différenciée d’une même violence patriarcale. Le film fait se fissurer les images du mari et de l’amant, complexifiant progressivement les stéréotypes posés dans les premières scènes. Les nombreux moments de sexe à l’écran descendent ainsi du burlesque et du joyeux vers l’horrible. Les deux dernières scènes sont difficiles: celle d’un acte SM où Sylvain, ivre, incarne douloureusement le fantasme de mâle ensauvagé/domestiqué qu’il soupçonne Sophia de projeter sur lui, et celle où Xavier sort de sa coquille d’intellectuel asexué pour forcer un rapport avec elle.

Le film jette le doute de manière finalement plus efficace sur le devenir des relations entre hommes et femmes qu’entre ouvriers et intellectuels. C’est l’aspect le plus subversif de cette romcom : aussi loin qu’elle aille, Sophia ne rencontre que des femmes prises dans l’inconfort de leur union hétérosexuelle, une donnée qui paraît transcender les classes sociales et les générations. Au bout de cette galerie de couples englués dans les rapports de domination, le choix final de la solitude apparaît presque comme un soulagement. »

 

Yanis Mostefa-Sba, 19 ans
Critique vidéo sur Simple comme Sylvain
Essai théorique sur l’esthétique du désir au second degré

 

 

 

 


Édition 2022

— Nicolas Dargelos-Descoubez a remporté le concours organisé par le Fema avec sa critique du film Un été comme ça, de Denis Côté, et était invité au 51e Festival du nouveau cinéma de Montréal.

— Lili Diaz-Lévesque (niveau collégial) et Julie Tronchon (niveau universitaire) sont les lauréates du concours organisé par le Festival du nouveau cinéma de Montréal, avec leurs critiques, respectivement sur Pamfir de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuck, et How to Save a Dead Friend, de Marusya Syroechkovskaya (voir les critiques sur le site du Festival du nouveau cinéma)

— Toutes les informations sur l’édition 2022