« Ce film charnière, où Ozu n’est pas encore Ozu mais le devient, est avant tout un mélodrame social extrêmement touchant doublé d’un aspect franchement comique dont le cinéma néoréaliste italien a donné les seuls exemples comparables. […] Dans Gosses de Tokyo, la thématique du cinéma d’Ozu est en place, la chaleur de ses personnages, mais ce qui fera l’essence de son art est encore absent. Ozu est autant un auteur de films que le créateur d’une œuvre et la fascination de ses films de maturité tient à la répétition systématiques d’images, à la récurrence des thèmes, à la mise en place, enfin, d’un dispositif qui le fait renouer avec ce qu’il y a de plus haut dans l’art oriental : cette capacité par la répétition d’images identiques, de séquences identiques à aiguiser nos sens jusqu’à ce que nous soyons réceptifs à la plus infime variation, à la plus délicate rupture d’un ordre parfait. […] Ozu fabrique avec science le vide de manière à nous bouleverser par la subtilité d’un détail. »
Olivier Assayas, Cahiers du cinéma, n° 319, janvier 1981