L’Assassin musicien

Benoit Jacquot

France — 35mm — couleurs — 2 h — 1974 — inédit

Scénario Benoit Jacquot, d’après Dostoïevsky Image Bruno Nuytten Musique Mozart, Stravinsky, Schoenberg, Beethoven, Haydn Production Sunchild, Stephane Tchalgadjieff Interprétation

Joël Bion, Anna Karina, Gunars Larsens, Hélène Coulomb, Philippe March, Howard Vernon; Daniel Isoppo

C’est l’histoire d’un jeune paranoïaque, Gilles, qui se complaît dans la pauvreté pour essayer de se persuader qu’il est le plus grand violoniste du monde. Il méprise les arrivistes mais magouille pour qu’on s’intéresse à lui ; il méprise les « arrivés » mais accuse la femme qui l’entretient de tuer son talent parce qu’elle n’est que femme de ménage. Il n’y a pas place pour Gilles dans ce monde. Mais rien à voir avec les « anti-héros » du cinéma américain dit « nouveau ». Benoit Jacquot a compris que son personnage est un héros à part entière, en ce sens qu’il est, justement, non pas un « personnage négatif », mais, au sens photographique du terme, le négatif d’un monde où l’on n’existe pas si l’on ne fait pas. Gilles est non pas la preuve, mais l’épreuve de notre société. Si L’Assassin musicien parle de musique classique, ce n’est pas parce que la musique classique est l’image d’un monde fini. C’est parce qu’elle est la chose avec laquelle l’intégration dans le monde exige le plus, au niveau de la force personnelle et du travail manuel, de la part de celui qui l’aime et veut en vivre. La caméra ne s’élève jamais vers le haut dans L’Assassin musicien : c’est que l’épouvante qui s’en dégage est à ras de terre. Il n’est question que d’argent et de travail dans ce film. C’est ici que ça se passe. Cent cinquante plans et cinq (tout petits) mouvements de caméra pour deux heures de film. Ni panoramique, ni travelling : ce n’est pas un film descriptif. C’est un film — superbe plastiquement, forcément — bâti comme des mouvements musicaux.