1er prix : Alain Zind, 26 ans
2 accréditations pour le Festival et 2 nuits à l’Hôtel Saint Nicolas / Cosy Hôtels
Entertainment n’est pas son seul mot d’ordre.
Généreux dans son art, il croyait au spectacle total, allant jusqu’à en dicter les règles au delà du cadre diégétique : le cas exemplaire de Psychose, où les exploitants devaient refuser l’entrée aux retardataires, puisque le spectateur doit être dans les meilleurs conditions pour se concentrer sur l’image. Concentration est bien le mot juste tant sa direction oriente l’œil avec une précision diabolique ; non pas sur les objets importants de l’intrigue – il n’y en a pas, d’où la célèbre formule de MacGuffin – mais sur les enjeux dramatiques de ses récits, où personnages comme spectateurs sont invités à confronter leurs désirs à leurs craintes et à leurs peurs. Malicieusement, le réalisateur transforme ceux qu’ils manipulent en voyeurs, coupables de prendre du plaisir dans leurs plus inavouables fantasmes (une femme dénudée par un trou de serrure ou derrière un rideau de douche, un meurtre par l’encadrement d’une fenêtre). Dans cette maîtrise technique minutieuse et autoritaire – les mouvements de caméra incessants de Fenêtre sur Cour ou de La Corde, le jeu d’ombres des Enchainés, les effets surréalistes de Spellbound – des sommets d’émotions contradictoires et incontrôlées parviennent à s’infiltrer, échappant aux rouages méticuleux des scènes de suspens. La peur est dépassée, et saisissant notre courage à deux mains, nous (spectateurs et personnages) voici prêts à aimer et vivre à nouveau – comme Jeff qui sort enfin de son fauteuil roulant et de ses suspicions pour se consacrer à l’amour de Lisa dans Fenêtre sur Cour ; tomber amoureux même si l’on sait que ça finira mal, aimer avoir peur : mélange confus magnifiquement mis en scène dans Vertigo, chef-d’œuvre romantique et psychanalytique. Vertigo, c’est la projection mélancolique par excellence, et le fantasme du temps que l’on remonte. C’est surtout un condensé de l’art du cinéaste, n’hésitant pas à se jouer des codes de genres dont il est pourtant un maître : la femme fatale dévitalisée (Kim Novak est mort-vivante), le détective héroïque devenu boitillant (magistral James Stewart en amoureux tourmenté et pris de vertiges), le film policier sans armes ni luttes épiques. Vertigo est la pierre angulaire de son œuvre, incarnation de toutes ses préoccupations contradictoires : pas un simple spectacle de la souffrance mais la mise en scène de ses propres démons ; pas une filmographie uniquement tournée vers le divertissement générique, mais la force de plier tout, le réel, les personnages, le système hollywoodien, à ses propres envies créatives.
C’est cela, la force et le génie d’Alfred Hitchcock.
2ème prix : Azilys Tanneau, 20 ans
1 accréditation pour le Festival
J’ai 20 ans, et c’est à 20 ans que j’ai rencontré Andreï Tarkovski. Peut-être que cela ne pouvait pas se faire autrement, et sûrement que l’attente en a valu la peine, que la patience vient toujours à être récompensée. J’ai 20 ans et je crois sentir que je l’ai choisi lui que je ne connais pas, lui qui ne vit plus mais qui a fixé un peu de lui dans des films, ces morceaux de temps impérissables, sauvés, je crois sentir que je l’ai choisi lui pour m’accompagner dans la vie, main chaude sur l’épaule, présence réconfortante que l’on sent dans son dos et qui pousse, qui pousse. Me préparer à ma mort, labourer et irriguer mon âme, la rendre capable de se retourner vers le bien, comme il l’avait prescrit. Les films, ils aident à vivre, même si parfois, c’est sûr, ils nous rendent un peu tristes.
Quand la vie va trop vite et que le sens me manque, comme un ami absent, que je sens des forces me pousser à acheter et à tout vouloir vite, et qu’il se creuse au cœur comme un énorme vide, comme il est bon de s’assoir un instant et contempler, penser, ressentir au plus profond, un film de Tarkovski. Comme une enfant perdu, j’aime parfois venir m’agenouiller auprès de l’écran et, comme une enfant perdu, rechercher une réplique, une image, une sensation, comme si je rechercherais la main de ma mère pour m’y blottir. Comme dans la Chambre de Stalker, le lieu dans la Zone où se réfugier quand il n’y a plus rien à espérer. Qu’est-ce que je désire vraiment ? Quel sens donner à ma vie ? Existe-t-il même un sens ? Pourquoi le temps me fait-il aussi peur ? Est-on bien sûrs de ce qu’est la mort ? Des questions, des questions seulement, comme des cadeaux spirituels, auxquelles nul ne pourra répondre, et il semble nous dire : heureusement. Si le mystère est percé, alors la vie n’a plus de sens.
Sur mon écran, un miroir, et j’y ai tant vu : la maison de mon enfance, les disparus, les morts, ceux qui manquent amèrement, ma mère, la magie, les visages, la peau de très près, la nature effrayante et lumineuse, la pluie à l’intérieur, la beauté comme je l’ai rêvée, des rêves réalisés, et le temps qui s’écoule, le temps qui passe, le temps sauvé, extirpé de sa boucle infernale, malaxé, calmé, sauvé. Dans chaque film, un miroir vertigineux dans lequel voir son reflet le plus intime se refléter. Quelle chance, j’en ai encore à découvrir.
3ème prix : Thomas Pietrois-Chabassier, 30 ans
1 affiche + 1 catalogue du Festival
Hitchcock et les animaux
Le cinéma de Hitchcock est une véritable ménagerie. On y miaule, on y croasse, on y aboie, et parfois, on s’y tait. De Fenêtre sur cour (1954) à Sueurs Froides (1958) en passant par L’Homme qui en savait trop (1956), on y croise des tigres empaillés et des chevaux de bois, on y porte des broches dorées en forme de lapin ou d’oiseau et on y assassine des petits chiens. Dans La Main au collet (1955), le héros est surnommé « le chat » et on lui tend des coupelles de lait. Dans ce film, qui a tout d’une fable à la morale complexe (car qui joue la souris quand c’est le chat qu’on poursuit ?), les riches aristocrates deviennent des lévriers, le peuple passif devient un troupeau de moutons et l’ancien héros de la résistance a des allures de félin.
Alors il faudrait peut-être relire chacun des films d’Alfred Hitchcock comme autant d’apologues, à l’aune de tous ces détails animaliers semés dans les gros plans et dans les arrière-fonds, détails-clefs, comme le réalisateur aimait en laisser sur son chemin, clefs réelles (Le Crime était presque parfait, 1955), clefs symboliques (Le briquet de L’Inconnu du Nord-Express, 1952) ou clefs d’interprétation secrètes qui font de Hitchcock et de ses minuties un cinéaste absolu : la couleur, les fleurs, la nature, les objets, les miroirs, le bruit, le silence, et donc, les animaux.
De tous les animaux, Hitchcock en a tout particulièrement privilégié deux : les hommes et les oiseaux. Et entre chacun de ses films, les correspondances entre les deux espèces ne cessent jamais de nous alerter sur l’importance de cette clef de lecture. Le générique des Oiseaux (1963) et celui de Mais qui a tué Harry ? (1955) ne sont qu’oiseaux. Le rêve de Gregory Peck est oiseau (La maison du Docteur Edwardes, 1945). Les noms des personnages sont oiseaux (Marion Crane, « la grue » ; Charles Swann, « le cygne » ; et même, peut-être, Norman Bates, « la chauve-souris »). La fin des Oiseaux et celle de La Loi du Silence (1952) se ressemblent en tout point : une foule (d’hommes, d’oiseaux) attend à l’extérieur (de la maison, du tribunal), prête à attaquer, prête à tuer l’innocent. L’attaque finale menée par les oiseaux sur Tippi Hedren rappelle de manière évidente la scène de la douche de Psychose (1960). Et l’on pourrait citer l’avion (« bird » en argot) de La Mort aux Trousses (1959), le personnage de l’homme-paon de Junon et le Paon (1930) ou encore le poulet étranglé de La Corde (1948) : les exemples ne manquent pas.
Alfred Hitchcock, à la manière de l’ornithologue passionnée des Oiseaux, conduit, de film en film, une étude de l’humain, en en recensant les caractéristiques et les multiples variétés : du miroir aux alouettes au dindon de la farce, du corbeau à la blanche colombe. Son cinéma ressemble à cette pièce du motel de Norman Bates dans laquelle sont accrochés au mur des dizaines d’oiseaux empaillés. Alfred Hitchcock faisait œuvre d’artisan, méticuleux taxidermiste de l’image. Et, dans ses films, il empaillait des caractères, il embaumait des âmes, et rendait éternels des regards, des élans et des fulgurances venues du cœur. Sa caméra, elle, comme un Homère qui récitait des « mots ailés », n’aura cessé de nous présenter des plans aériens, ailés, des images volantes, planant avec une mouette au-dessus de la ville (Les Oiseaux) ou surplombant le vide dans La Mort aux Trousses et Sueurs Froides. Comme si le cinéma, pour Hitchcock, c’était la possibilité de voir le monde, mais avec des ailes.
Rappel du concours
Pour sa 45e édition, le Festival International du Film de La Rochelle organisait, en partenariat avec Sud Ouest et l’Hôtel Saint Nicolas / Cosy hôtels, et dans la continuité des nombreuses actions menées en direction des lycéens et étudiants, un Concours de la jeune critique.
Pour participer, il fallait avoir 30 ans ou moins et rédiger avant le 24 avril 2017 un texte sur l’un des deux réalisateurs auquel nous consacrons cette année une rétrospective, Andreï Tarkovski et Alfred Hitchcock. Premier prix : 2 accréditations et 2 nuits d’hôtel à La Rochelle pour le Festival.
Un jury composé de l’équipe du Festival et d’un membre de la rédaction de Sud Ouest a désigné les trois lauréats. Le premier prix bénéficie, pour deux personnes, d’une accréditation et du logement, pour deux nuits, à l’Hôtel Saint Nicolas. Son texte sera publié sur le site de Sud Ouest.
• Conditions de participation :
Être né au plus tôt le 23 mars 1986, et rédiger en Français un texte (entre 300 et 600 mots) sur Andreï Tarkovski ou Alfred Hitchcock, objets d’une rétrospective par le Festival cette année.
• Calendrier :
23 mars : ouverture du concours
24 avril à minuit : date limite de réception des candidatures
12 mai : annonce des lauréats
• Récompenses :
1er prix : Deux accréditations + Le logement pour deux personnes et deux nuits à l’Hôtel Saint Nicolas + la publication de son texte sur le site de Sud Ouest, sur le site du Festival
2ème prix : Une accréditation + la publication de son texte sur le site du Festival
3ème prix : L’affiche et le catalogue du Festival + la publication de son texte sur le site du Festival
• Le jury :
Prune Engler (déléguée générale), Sophie Mirouze (Coordinatrice artistique), Arnaud Dumatin (Administrateur général), Etienne Delcambre (Site et réseaux sociaux) et un membre de la rédaction de Sud Ouest.
• Comment participer ?
Renseignez sur cette page, avant le 24 avril, minuit, vos coordonnées ainsi que votre texte (entre 300 et 600 mots).