Nuit blanche avec Robert Mitchum

François Guérif

« Je suis acteur parce que je ne connais aucun autre boulot qui me permettrait de gagner autant de pognon. Soyons lucide : être star de cinéma ne nécessite pas de talent… » Toute sa vie, Robert Mitchum a fait ce genre de déclaration, expliqué qu’il faisait un métier de « gonzesse », qui ne méritait pas tellement qu’on en parle, s’est construit une réputation de je-m’en-foutiste, que n’ont cessé de contredire la plupart de ses metteurs en scène et partenaires. Il revendiquait « la méthode Smirnoff » comme source d’inspiration, mais il a « habité » ses personnages (lorsqu’ils l’intéressaient) avec « la poésie de son interprétation ». C’est Vincente Minnelli, qui l’a dirigé dans Celui par qui le scandale arrive, qui l’écrit dans ses mémoires. Il ajoute même : « Peu d’acteurs se donnent autant que Bob dans les tournages ». Un avis partagé par des réalisateurs aussi divers que Charles Laughton, Jacques Tourneur, Otto Preminger, Elia Kazan, William Wellman, Robert Wise ou David Lean. En fait, qu’il joue les braves types, les victimes ou les salauds diaboliques, Mitchum laisse transparaître à un moment ou un autre, les cicatrices que lui a laissé sa jeunesse, le sentiment de ne pas être compris, la blessure à vif sous la provocation, une extraordinaire sensibilité. Sur le tournage de El Dorado, Hawks lui dit : « Tu es le plus bel imposteur que j’ai jamais rencontré… tu fais semblant de te foutre complètement d’une scène et tu es le type le plus bosseur que j’ai connu. » La réponse est du pur Mitchum: « Surtout, que ça reste entre nous. » Un de ses derniers souhaits fut qu’on ne parle pas de lui après sa mort. Trop tard, Bob. Tu es entré dans la légende.