Jeudi 3 juillet

Parce que les programmes télé « spécial vacances », c´est bien mignon, mais ce n’est pas du cinéma. Parce qu’il n’y a rien de tel qu´un festival pour repartir requinqués après le bac de Français. Parce qu’il n’y a pas que l’Amérique dans la vie. Parce qu’on a envie d’interviewer des réalisateurs. Parce que le festival n’accueille pas les films dans un esprit de compétition. Parce que nous voulons ouvrir les yeux et nous émerveiller. Parce que le festival, dit-on, propose des films projetés au plafond. Parce que nous aussi, depuis notre grande banlieue sans la mer on les aime, les Stévenin, les Ray et les Leigh… On arrive, on court, on vole, on jubile !

Céline, Emilie et Amélie

En partenariat avec Les Cahiers du cinéma, dont le site Internet va évoquer leur aventure, un groupe de 12 lycéens de la classe de Première Cinéma du lycée Rotrou de Dreux découvre cette semaine le festival de La Rochelle. Ils interviendront dans le quotidien les prochains jours.

Entretien avec Jacques Cambra, pianiste, après le ciné-concert « Crépuscule de gloire »

Est-ce que vous vous enregistrez ?
Non, parce que je ne veux pas recopier. Jamais deux fois la même chose, pour une raison simple c’est que je ne me rappelle plus ce que j’ai joué la fois précédente. Alors des fois je joue bien et là je me dis « Ah, si j’avais enregistré… » et des fois je ne joue pas bien et je suis content de ne pas avoir enregistré.

Là, vous pensez avoir bien joué ?
Là, je pense avoir été trop respectueux du sujet. Je trouve que c’est l’un des plus beaux films que j’ai jamais accompagné. Je ne dis pas cela souvent mais il y a une telle conjonction entre acteur et réalisateur. Absolument incroyable. Peut-être que vous avez vu le Loulou de Pabst ou Les Deux orphelines avec Lilian Gish… Il y une espèce d’impression d’art total et du coup j’étais peut-être un peu… C’est difficile de décrire, il y a beaucoup de relation avec le public ; des fois, je le regarde.

C’est épuisant ?
J’ai eu beaucoup de travail avant les ciné-concerts où je me suis beaucoup préparé et il y a beaucoup de pression. Avec ce film là… Il y a trois types de films en fait : les films nuls qu’il faut super bien jouer, les films bien, on fait pouet pouet et ça marche, mais celui- là, il est tellement bien qu’il faut être à sa hauteur. Jouer moyen le rabaisserait. Là, c’est rendez-vous au sommet. Mais je suis content, parce que il y eu l’émission France Culture tout à l’heure et on m’a demandé quel était mon film préféré, et j’ai dit celui-là, et tout le monde a acquiescé. Les gens me l’ont dit à la fin et là je me suis dit quand même « un chef d’œuvre » ! Et je ne dis pas toujours cela ! Il y a quelque œuvre d’art, au delà de l’adhésion, il y a une œuvre. Ce film me touche beaucoup car il y un espèce de doigt mis sur la condition humaine. Sternberg, il y a une beauté formelle, les personnages qui sont mêlés au décor…

Quand les films étaient projetés, ils étaient accompagnés en direct, reste t-il des partitions de ces prestations ?
En fait, il y a eu beaucoup de sortes d’accompagnement : deux voies. La voie foraine, c’est-à-dire, on fait du bruit pour canaliser le public comme les frères Lumière qui ont commencé au café de la Gare en 1895. On n’a pas de témoignage qui dit qu’il y a eu un piano au départ. Les premières projections ont eu lieu fin 1895 et on a des documents à partir d’avril-mai 1896. Les frères Lumière allaient présenter leur appareil en Angleterre et aux Etats-Unis, dans les music-hall. Et dans les music-hall, il y avait des orchestres. Donc, il y a eu ces deux voies. On reprenait surtout des airs à la mode, donc des partitions, il n’y en a pas eu beaucoup parce que ça coûtait très cher : il fallait répéter et se coordonner avec le pianiste. Par contre, il y a eu beaucoup de musiques reprises, c’est-à-dire qu’on mettait un morceau de Beethoven ou de Schubert. Donc on a une complète liberté de nos jours pour créer un accompagnement. Moi, j’ai surtout pas envie d’être influencé. Je veux voir l’œuvre pour être en phase avec les réalisateurs. Ce que j’adore, c’est faire du faux. Faire du faux russe, un espèce d’archétype. J’aime bien cette notion de factice.

Vous avez du plaisir à accompagner ce genre de films, plus ou moins que sur un burlesque ?
On ne peut pas dissocier le film de la notion de public. Ça dépend vraiment du public. S’il n’y a pas de cohésion
avec le public…

Entretien avec Bertrand Desormeaux, et Danielle Hiblot de Trafic Image à propos de « La Frairie »

Quelle est la mission de Trafic Image ?
On a créé Trafic en 1995. Le projet était à la fois de créer des archives et une cinémathèque régionale, de préserver et sauvegarder des films qui seraient hors distribution, qui n’auraient jamais été édités, qui pourraient être perdus ou qui n’avaient jamais fait l’objet de mesures de protection qui permettent de les repérer.

Le film La Frairie est une ressortie ?
La Frairie est un film qui a été fait par Francis Chauvaud. Il a été tourné en Manles, en 1975/76, pendant une fête locale qu’on appelle les « frairies », et Francis Chauvaud a tourné la préparation, le déroulement et la fin de la fête. Ca a été une sortie un peu bouleversée parce qu’il a eu une presse considérable ; presque tous les supports nationaux, que ce soit les quotidiens, les hebdomadaires et les mensuels avaient fait des articles sur ce film et en plus il a décroché le prix du public du festival de Chamrousse, en 1978. Nous, on a mis à peu près trois ans à retrouver Jacqueline Parent qui était à l’époque la compagne de Francis Chauvaud. Jacqueline a déposé le film à Trafic Image : il a été diffusé il y a un an et demi, à Angoulême. C’était une première manière de passer le film en Charente, en présence de Jacqueline Parent.

Le film n’avait avant cela aucune visibilité ?
Non, non pas du tout. C’est justement notre fonction de retrouver les films. Les films qui ont un rôle important mais qui passent à la trappe, pour des tas de raisons. Il y a des motifs très différents. Mais quand on voit le regard qu’il pose, on pourrait dire que c’est presque un regard ethnographique. C’est une fiction : on n’est pas dans un découpage des genres qui va exclure ou contraindre, ou mettre dans une case, et en même temps, il a tous ces points de vue là : un regard d’auteur, un point de vue de réalisateur, un regard d’ethnologue et d’anthropologue, parce qu’il recueille est un témoignage, c’est très intéressant.

Ce film est un vrai document en terme de rites locaux ?
C’est ça, et puis il balaye le champ relationnel : on y comprend très bien les relations entre les gens : quels sont les points de fracture, les rencontres ? et c’est vrai, même si on n’est pas charentais, c’est surprenant de voir que tout ces fêtes existent encore. Le souci des gens, c’est de redonner de l’âme à ces manifestations mais nous, dans les archives que l’on voit, c’est absolument incroyable de voir que ces gens faisaient tout le temps la fête. Il y a une vie complètement folle et Chauvaud est juste à cette frontière là. Le passé, ce qui a disparu et tout ce qui n’est pas de l’ordre du costume ou du rituel ancestral mais dans un moment de passage. Il n’a pas pris une ride et ça continue à vivre sur le même mode. C’est un vrai document, alors qu’a priori, c’était un film de cinéma. Il faut préciser, que c’est souvent pour ça que les films peuvent tenir, parce qu’il y a un ton, une écriture. Avec un regard, et ce regard, c’est celui de Francis Chauvaud. Il avait fait très peu de choses avant ce film, seulement un court métrage. Et pour vous dire à tel point son talent était prometteur, ce court avait été diffusé en avantpremière du Fantôme de la liberté de Buñuel. C’est une espèce de fulgurance avec un engagement très fort : il a financé le long avec ce qu’il avait gagné avec le court !