Une histoire du corps burlesque
« En octobre dernier, à l’occasion de la fête d’ouverture du nouveau CCN Mille Plateaux, nous présentions une exposition de films de danse, 24 mouvements/seconde, manière d’affirmer d’emblée mon rapport amoureux au cinéma et d’expérimenter aussi le nouveau dispositif de la chapelle Fromentin, qui se révèle un lieu particulièrement accueillant à ce type de proposition. C’est à cette occasion que je rencontre Sophie Mirouze et Sylvie Pras, les programmatrices du Fema, qui elles aussi découvrent le lieu réinventé. L’enthousiasme est immédiat surtout quand elles m’annoncent que le prochain focus du festival est la comédie avec Pierre Richard en invité hommagé ! Pierre Richard, l’héritier direct de Keaton, Chaplin et Harpo Marx réunis, un formidable danseur ! L’occasion est trop belle ! Je propose à l’équipe du Fema de réaliser ensemble un parcours au travers du corps burlesque, depuis le burlesque américain des débuts du cinéma jusqu’à ses incarnations les plus contemporaines. »
Olivia Grandville, danseuse et chorégraphe, directrice de Mille Plateaux – CCN de La Rochelle
L’idiot, le bouffon, le pitre, est par essence unique en son genre, c’est même l’étymologie du mot : le simple, au sens de ce qui est singulier. Unique, et par conséquent isolé et donc inadapté à la société du fait de sa singularité et en même temps doté d’une capacité d’adaptation hors du commun.
Il évolue dans une autre temporalité que la nôtre, celle de l’intuition permanente. Un monde beaucoup moins lent, ou beaucoup plus c’est selon !
Dans un texte sur Buster Keaton, Mathieu Bouvier écrit : « Sporadiquement, par éclats et fulgurances brèves, le cinéma de Keaton atteint effectivement à ce pouvoir de la danse, de la danse contemporaine notamment : arracher le corps à ses poses et à ses déterminations organiques pour en faire une matière d’expression. »
Le burlesque est avant tout un art du temps. Le mécanisme du rire repose sur une précision de timing diabolique. Et si l’acrobatie et la virtuosité s’y déploient, elle est avant tout rythmique. C’est aussi une virtuosité de la chute et du déséquilibre. L’art du burlesque, l’art de l’idiot partage beaucoup avec une certaine pensée de la danse contemporaine, et notamment ce rapport au rythme intrinsèque des choses, à la chute, à la gravité, au poids, et donc aussi à la légèreté et au rebond. Une virtuosité du corps qui revendique sa faillibilité, son idiotie.
En partant de ce burlesque des origines, vers celui plus ouvertement revendicateur des artistes les plus contemporains, de Chaplin à Pierrick Sorin, de Quentin Dupieux à Pierre Richard, de Joséphine Baker aux Krumpeuses d’aujourd’hui, du Zerep à Lars von Trier, du prince Mychkine de Dostoïevski aux déambulations des artistes Fischli et Weiss déguisés en ours minables, cette exposition se propose d’explorer la figure de l’idiot, figure qui enjambe les époques et les genres et se reconnaît à sa capacité à se démarquer de l’ordre établi en faisant le deuil de l’intelligence pour mieux échapper à toute Doxa.
Deux courts-métrages seront diffusés en continu pendant l’exposition :
- Walking on the Wild Side, Dominique Abel, Fiona Gordon
- Vilaine fille mauvais garçon, Justine Triet
En collaboration avec l’Agence du Court Métrage, Les Films du Losange, Gaumont, GP Archives et l’INA