Michael Cacoyannis est né le 11 juin 1922 à Limassol. Après des études classiques, suivant l’exemple de son père, célèbre avocat à Chypre, il part étudier le droit à Londres. Quand la guerre éclate, il est engagé comme producteur de radio dans le cadre des émissions de la BBC à destination de la Grèce. Il s’inscrit à l’Ecole centrale d’art dramatique, tout en suivant les cours de mise en scène de l’Old Vic School. En 1946, il fait ses débuts d’acteur en interprétant le rôle d’Hérode dans Salomé d’Oscar Wilde et se met en scène en Caligula dans la pièce d’Albert Camus. En 1951, il abandonne le théâtre et écrit en anglais son premier scénario inspiré du roman grec de Kosmas Politis, Eroïca. Ne trouvant pas de producteurs anglais, français ou américains, Cacoyannis revient en Grèce et s‘installe à Athènes pour se consacrer au cinéma. S’inspirant de la réalité grecque et influencé par des comédies françaises (Le Million de René Clair) ou néoréalistes italiennes (Dimanche d’août de Lucianno Emmer), il écrit Le Réveil du dimanche (1954) et confie les premiers rôles à Elli Lambeti et Dimitris Horn qui forment alors le couple vedette du théâtre grec. C’est une comédie légère qui enchaîne quiproquos et querelles autour d’un billet de loterie gagnant, perdu par une jeune fille, volé par des enfants, et atterrissant dans les mains d’un jeune homme. Les extérieurs sont tournés à Athènes et les intérieurs en Égypte aux studios de la Milas Film, pendant une tournée théâtrale de la troupe Horn-Lambeti. D’un ton enjoué et naturel, le film est un hymne à Athènes et connaît un vif succès; la critique salue « la justesse du trait et l’habileté de l’écriture filmique ». Le Réveil du dimanche est sélectionné au Festival de Cannes et ouvre le Festival d’Édimbourg (où il obtient une mention).
Michael Cacoyannis tourne alors Stella (1955) qui, distribué dans le monde entier, devient Stella, femme libre à sa sortie française en avril 1957. Il confie à Melina Mercouri son premier rôle cinématographique, celui d’une chanteuse de cabaret à l’âme libre qui ne veut se soumettre ni aux conventions sociales, ni au joug de l’amour. Stella refuse d’appartenir à un seul homme, fait l’amour quand il lui plaît et elle finit par mourir poignardée par celui qu’elle aime et qui l’aime mais qu’elle refuse d’épouser. Présenté au Festival de Cannes en 1955, des critiques comme André Bazin et Jean de Baroncelli trouvent la fin de Stella « digne de la tragédie ». Le film fait grande impression. Ultime production Milas Film (qui avait produit Le Réveil du dimanche), Stella est tourné en décors naturels à Athènes, de jour et de nuit (pour les scènes chantées du cabaret). Le style néoréaliste se fait encore plus manifeste quand le chef opérateur Costas Theodoridis et les acteurs se mêlent à la foule athénienne « le jour du Non ». Melina Mercouri ne joue pas Stella, elle est Stella dans un jeu dépouillé et sans complexe, alors que Georges Foundas, très représentatif de la virilité du peuple grec, impose l’archétype de l’homme franc et honnête.
Le film suivant, La Fille en noir (1956), une étude de mœurs autour de l’honneur de la famille, est tourné sur l’île austère d’Hydra. Michael Cacoyannis retrouve le couple du Réveil du dimanche : Elli Lambeti et Dimitris Horn. Celui-ci joue un jeune et riche Athénien en vacances, tombant amoureux d’une fille en noir mélancolique, devenue la risée de tous depuis que sa mère, veuve depuis dix ans, a pris un amant. Le réalisateur dénonce la pesanteur de la tradition dans la province grecque: l’oppression des femmes, le poids du deuil et les interdits rendant impossible toute réelle relation homme-femme. Ce film marque le début d’une grande collaboration entre Cacoyannis et Walter Lassally, le chef opérateur du jeune cinéma anglais (Lindsay Anderson, Tony Richardson et Karel Reisz). Il tourne à ses côtés à six reprises: l’année suivante pour Fin de crédit, puis Notre dernier printemps, Électre, Zorba le Grec et Le Jour où les poissons sont sortis de l’eau. Comme Stella, le film est présenté à Cannes et remporte, à Hollywood, le Golden Globe du meilleur film étranger.
Pour Fin de crédit (1957), Cacoyannis retrouve son actrice fétiche Elli Lambeti. Elle incarne Chloé, une jeune fille de bonne famille poussée par sa mère à épouser un riche soupirant pour sauver les siens de la ruine. Responsable de la mort de la fidèle domestique de maison, elle emmène le garçon muet de celle-ci en pélerinage à Tinos où un double miracle se produit: l’enfant retrouve la parole et Chloé, la foi en la vie. S’il est encore question de l’honneur de la famille, Cacoyannis aborde l’étude des couches populaires de la société et de leurs vérités. Le film commence dans l‘atmosphère bourgeoise des villas et des restaurants chics d’Athènes pour finir au milieu de la foule des pèlerins, lors de la fête très caractéristique de la Vierge sur l‘île de Tinos qui, comme Lourdes, attire chaque année des milliers de fidèles. Si Fin de crédit fut un échec commercial, un critique du Times n’hésita pas, à la sortie du film, à comparer Elli Lambeti à Greta Garbo.
Après avoir abordé la réalité grecque par le biais de l’étude de mœurs, d’abord sous la forme de la comédie dans son premier film Le Réveil du dimanche puis du drame dans les trois suivants, Stella, La Fille en noir et Fin de crédit, Michael Cacoyannis, à partir des années 1960, se tourne vers l’adaptation d’écrivains anciens ou modernes (les grands tragiques) pour mieux mettre l’accent sur leur profonde universalité.
Avec Électre (1962) Cacoyannis révèle le talent d’une comédienne hors pair: Irène Papas, avec qui il va tourner à plusieurs reprises. Le film obtient le Prix spécial du Festival de Cannes et l’Ours d’argent au Festival de Berlin, et vaut une nouvelle reconnaissance internationale à son auteur.
Dans l’histoire du cinéma, le nom de Michael Cacoyannis reste à tout jamais associé à un film: Zorba le Grec (1964). Comme le nom d’Anthony Quinn reste lié au personnage d’Alexis Zorba créé par l’écrivain crétois Nikos Kazantzakis en 1946. Dans cette production 20th Century Fox, Basil (Alan Bates), un jeune écrivain anglais qui vient d‘hériter de son père d‘une mine de charbon, fait la connaissance de Zorba au moment de prendre un bateau du Pirée vers la Crète française. Madame Hortense (Lila Kedrova) embauche Zorba comme chauffeur et tombe sous le charme d’une belle veuve (Irène Papas). Basil ne jure que par ses lectures et ses principes d’intellectuel alors que Zorba vit le moment présent avec sourire et innocence. Malgré leurs différences, les deux hommes se lient d’amitié jusqu’à entamer, dans la séquence finale au bord de la mer, une dernière danse frénétique, le célèbre sirtaki accompagné par la musique de Theodorakis qui, comme le film, connut un succès mondial considérable. Film culte, sept fois nominé aux Oscars, Zorba le Grec en remporte trois: meilleur actrice dans un second rôle pour Lila Kedrova, meilleur photographie pour Walter Lassally et meilleure direction artistique pour Vassilis Photopoulos.
Ce succès permet ensuite à Cacoyannis de s’essayer à une farce didactique autour du nucléaire, Le Jour où les poissons sont sortis de l’eau (1967) accompagné d’une distribution grecque et internationale (Tom Courtenay et Candice Bergen). Comme beaucoup d’artistes et intellectuels grecs, il va s’exiler pendant la dictature des colonels (1967-1974). En Espagne, Cacoyannis tourne une nouvelle adaptation d’Euripide, Les Troyennes (1971) en réunissant autour de lui un casting féminin prestigieux: Katharine Hepburn (Hécube), Geneviève Bujold (Cassandre), Irène Papas (Hélène) et Vanessa Redgrave (Andromaque). En 2003, Michael Cacoyannis crée à Athènes la fondation privée qui porte son nom afin de développer et promouvoir le cinéma et le théâtre. Durant toute sa carrière de cinéaste, même en exil, il ne cesse de mettre en scène au théâtre: Les Troyennes (New York 1964, Paris 1965), Les Diables (New York 1966), Les Bacchantes (Comédie-Française 1977), Zorba (Broadway 1983) et à l’opéra, Le deuil sied à Électre (New York 1967), La Bohème (New York 1972) et La Traviata (Athènes 1982).
Michael Cacoyannis meurt le 25 juillet 2011.