Vendredi 26 juin

Le vent de l’est souffle sur La Rochelle

« La seule compétition qui existe réellement, c’est celle que nous faisons avec nous-mêmes », confiait Anamaria Marinca en 2007 dans un entretien à propos du film

« La seule compétition qui existe réellement, c’est celle que nous faisons avec nous-mêmes », confiait Anamaria Marinca en 2007 dans un entretien à propos du film 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu dont elle est l’héroïne. Sous ses airs de loi générale, cette déclaration domine toute approche humaine adoptée dans les derniers films venus de Roumanie. Dans cette perspective, le sujet est simultanément face à son histoire personnelle, face à ses désirs, face aux lois instituées quoiqu’illégitimes, et bien entendu face à l’Histoire.

Aujourd’hui, le cinéma roumain se donne le droit d’exprimer ce désarroi ontologique, et s’empare de sa mémoire jusque-là inavouée (et inavouable?). C’est cette expression à travers l’art, cette mise à distance dont la caméra est porteuse, qui est notable ; elle provoque le face-à-face entre le passé et le présent et, par là même, tente leur réconciliation. Plus globalement, elle prouve à quel point l’art fabrique du « souvenir », selon l’expression de Jean-Luc Godard. Sans complaisance ni fatalité, ce cinéma exprime désormais en pleine conscience les contradictions de la politique passée, cette absurdité instituée promue par Ceacescu pendant des années de règne totalitaire. Le cinéma, dans ce sens, incarne la mémoire silencieuse, le sentiment d’absurde inscrit dans la chair et l’esprit, rejetant le masque qui a, pendant trop longtemps, dissimulé l’épaisseur de l’être. Au fond, si la « nouvelle vague » roumaine fait tant parler d’elle, c’est qu’elle retrouve une notion élémentaire du cinéma: l’humanité. Une humanité nécessairement confrontée au passé.

De 12h08 à l’Est de Bucarest (Corneliu Porumboiu, 2006) à Policier, adjectif (Corneliu Porumboiu, 2009), en passant par California Dreamin’ (Cristian Nemescu, 2007), ces films se font porte-parole du « stoïcisme » à la roumaine, de l’enlisement du groupe social, de la répétition du geste inutile : des marques aussi tragiques que comiques que les cinéastes roumains mêlent avec équilibre et férocité.
Ce soir, le festival vous propose de poursuivre l’exploration de la mémoire roumaine – et européenne – en diffusant les Contes de l’âge d’or (2009), film collectif réalisé par Cristian Mungiu, Iona Maria Uricaru, Hanno Höfer, Razvan Marculescu et Constantin Popescu. L’initiateur du projet, Cristian Mungiu, confie à propos des personnages du film : « Tout le monde porte un masque de lassitude, et pourtant, au fond d’eux-mêmes, tous sont bien en vie, et cherchent à aimer et à être aimés ». N’ayez crainte, c’est une comédie ! Nous n’en dirons pas plus… Bonne cérémonied’ouverture.

Mathieu Lericq

Autour de Pierre et Jacques Prévert avec N. T. Binh

Une rétrospective de films et une exposition sont consacrées aux frères Prévert. Pour en savoir un peu plus sur leur univers, respectif et commun, L’Éphémère a rencontré N.T Binh, commissaire de l’exposition Jacques Prévert, Paris la Belle à l’Hôtel de ville de Paris en 2008, et du Salon Prévert présenté cette année au Festival.

Comment s’est passée la transposition de l’exposition de l’Hôtel de Ville de Paris en octobre 2008 – février 2009 à La Rochelle ? Sur quoi aviez-vous envie de mettre l’accent?

N.T.Binh : À l’hôtel de ville de Paris, toutes les œuvres et la vie de Jacques Prévert étaient exposées. L’espace d’exposition de La Coursive, à La Rochelle, étant plus restreint et s’agissant d’un festival de cinéma – une rétrospective de films est programmée autour des frères Prévert – l’idée était de mettre en lumière l’interaction entre les deux frères et leur œuvre commune pour le cinéma. Ils ont découvert l’univers du cinéma dès leur enfance, grâce à leur père. Cette initiation s’est cristallisée en passion, en premier lieu chez Pierre, le cinéphile de la famille, et c’est par lui que Jacques a approfondi son amour pour le cinéma. Plus tard, Marcel Duhamel le conduira à la profession en l’incitant à écrire des scénarios. Et puis, Pierre et Jacques, ensemble, en écriront d’autres. Leur premier film est L’Affaire est dans le sac ; Jacques commence petit à petit à se faire un nom dans le milieu. Il est encore peu connu du grand public mais il l’est suffisamment pour être amené à retravailler certains dialogues ou encore participer à l’écriture d’autres films. Sa carrière de scénariste, dialoguiste, prend réellement son envol avec Ciboulette, puis Le Crime de monsieur Lange et lors de sa rencontre avec Marcel Carné. La carrière de Pierre se développe plus difficilement ; il crée des films singuliers tous écrits par son frère.

Quels sont les premiers films qui ont marqué Pierre et Jacques ?

N.T.B. : Ils ont vu de petits films Pathé et, aussi, des feuilletons dont ceux de Louis Feuillade : Fantomas. D’ailleurs, des allusions à ces films-ci réapparaissent dans l’œuvre de Jacques Prévert notamment dans « Souvenirs de Paris », film muet co-réalisé par les frères Prévert et Marcel Duhamel. Aussi, les premiers films burlesques vont profondément influencer l’ensemble de l’œuvre cinématographique de Jacques et Pierre Prévert. Cette veine comique caractérisera leurs films. Jacques s’en détachera petit à petit, notamment à la suite de Drôle de drame, relatif échec commercial, qui l’orientera vers des choses plus sombres.

Quelles résonances les films de la « période » Prévert ont-ils aujourd’hui ?

N.T.B. : Bien qu’il y ait une unité de style au travers de la carrière de Jacques Prévert, son œuvre est extrêmement variée ; Les Visiteurs du soir s’oriente vers un conte de fée médiéval, Le Jour se lève et Le Quai des brumes appartiennent à ce qu’on appelait communément, à l’époque, le réalisme poétique, Les Enfants du paradis est une reconstitution d’époque. Ces films-ci, pour ne citer que ceux de Carné, sont issus de genres très divers. Les tempéraments des cinéastes avec lesquels Jacques Prévert a travaillé vont également le mener vers des œuvres variées. Avec son frère Pierre, les sujets s’orientaient vers le genre burlesque, avec Marcel Carné, les films étaient d’un genre plus dramatique, tel le drame romanesque, et la collaboration avec Renoir plus axée sur la question sociale. Paradoxalement, tous ces films, écrits par Jacques Prévert, sont datés mais sa langue, son style, les empêche de vieillir. Même si certains aspects d’entre eux ont un peu vieilli, comme quelques thèmes – les préoccupations de la période d’avant ou d’après-guerre, les histoires d’amour plus désuètes – la direction d’acteurs ou la manière de photographier, la façon dont Jacques Prévert fait parler ses personnages reflète une certaine actualité rendant les oeuvres modernes. En effet, la force des récits et des dialogues dans l’écriture de Jacques Prévert persistent toujours car ils conservent leur verve satirique, corrosive, subversive, cela étonne et plaît encore beaucoup aux spectateurs d’aujourd’hui. C’est cette capacité à faire parler les personnages, non pas comme lui-même se serait exprimé mais avec cette langue inimitable qui a illuminé toute sa carrière ; la force de son style est également perceptible dans ses chansons comme dans ses poèmes.

 Au cinéma, la langue de Prévert fut peu analysée. Récemment, Michel Chion a publié un ouvrage Le Complexe de    Cyrano sur les dialogues dans le cinéma français où il étudie la façon dont les dialogues de Prévert sont construits. Il nous montre que Jacques réinvente une sorte de nouveau naturel. Cela rejoint le sentiment de Michèle Morgan, qui, lorsqu’elle lu la première fois le scénario du Quai des brumes, ce langage lui paraissait totalement irréaliste. Mais dès que le texte était su par cœur, les mots lui venaient naturellement. Ceci est vraiment caractéristique de Jacques Prévert, il fait appel à une langue à la fois spontanée et stylisée, comme dans ses chansons ou ses poèmes. Aussi, il aimait beaucoup utiliser les répétitions dans la rédaction de ses conversations, – ce qui est peu habituel dans les dialogues « traditionnels » du théâtre où les répétitions sont évitées – cela donne un rythme à son écriture. Autre trait caractéristique du style de Prévert, reflétant ses chansons, les personnages s’adressent à leur interlocuteur en les nommant – pensons aux paroles de Barbara. Souvent, le spectateur se souvient des prénoms des personnages, écrits par Prévert, car les noms sont sans cesse énoncés dans le dialogue comme Lacenaire dans Les Enfants du paradis. À chaque fois qu’Arletty s’adresse à lui, Pierre-François intervient en fin de phrases. Jacques Prévert n’aimait pas les formules élaborées, l’écriture artificielle. Dans Les Visiteurs du soir, le diable, interprété par Jules Berry, prend des airs de jeune premier. Il fait une déclaration alambiquée à la fille du châtelain, jouée par Marie Déa. Cette dernière réagit aussitôt : « vous n’êtes pas Gilles…vous avez sa voix…mais il ne dirait pas les mots que vous dites ». Ainsi, les personnages utilisent des mots simples dans lesquels ils se retrouvent. Loin des formules toutes faites, Jacques Prévert réinvente un style poétique qui lui est propre.

Et cette langue qu’il réinvente avait-il beaucoup de facilité à l’écrire ?

N.T.B. : Oui et non, le mythe de Prévert improvisant tout le temps et écrivant tel qu’il s’exprime n’est pas si exact que cela. Ayant eu accès aux archives des Prévert, j’ai pu constater que Jacques Prévert apportait beaucoup de modifications sur le texte initial afin de parvenir à une illusion de naturel. Son écriture était retravaillée vers plus de simplicité au détriment de phrases élaborées. Il avait cette volonté que ce soit parfait mais sans que cela se voit. Il a eu un certain entraînement notamment lorsqu’il écrivait pour le groupe Octobre, des sketchs et des pièces ; une époque qui correspond à sa période la plus subversive politiquement. Il avait le désir de pouvoir d’être compris par l’homme le plus simple, mais sans s’abaisser à lui. Aussi, il souhaitait retrouver ce langage « épuré » afin de préserver quelque chose existant en lui. Même s’il côtoyait des intellectuelles, comme des membres du groupe surréaliste ou d’autres écrivains, Jacques Prévert était une sorte d’autodidacte n’ayant jamais fait d’études supérieurs ni même secondaires.

Comment se déroulait la collaboration artistique entre les deux frères : étaient-ils plutôt complémentaires ou très différents ?

N.T.B. : Ils étaient complémentaires en tempérament, enfin je ne les ai pas connus… Jacques Prévert était plutôt le bagarreur et le combatif, Pierre Prévert était plus doux. Ils avaient des caractères différents. Par contre, ils étaient très complices dans la création – à l’inverse d’avec Carné où il s’agissait plutôt d’un équilibre de contraires. Ainsi dans le travail, entre les deux frères, il y avait une sorte de communion, d’élan commun, qui a permis à un film comme Voyage surprise, – sans doute est leur plus grande réussite artistique – d’être un long métrage entièrement libre. Jacques Prévert écrivait le scénario au fur et à mesure et improvisait ; une sorte de scénario « surprise » reflet de l’histoire de ce voyage « improvisé ». Cette complicité avec son frère Pierre lui permettait cette liberté-là.

Qu’est-ce qui vous passionne chez les frères Prévert ?

N.T.B. : Je connais leurs œuvres depuis que j’ai découvert le cinéma. Je ne les ai pas vues dans l’ordre. Cela me permet de rectifier une erreur commise dans le catalogue – dans le texte de présentation de la rétrospective des frères Prévert – où il est écrit qu’Adieu…Léonard ! est leur dernier film, en fait c’est le dernier que j’ai regardé, le premier étant L’Affaire est dans le sac et le second Voyage surprise. L’Affaire est dans le sac est un film particulier, anticonformiste, qui ne ressemble à rien du cinéma français et mondial de l’époque. Je me souviens qu’après la projection, avec des copains, nous nous récitions des phrases qui nous faisaient vraiment rire et qui, paradoxalement, étaient fortes évoquant des thématiques actuelles comme le militarisme, le partage des richesses, etc.; des sujets forts qui étaient en même temps des formules, des slogans. Ensuite j’ai découvert la poésie et la liberté de Voyage surprise, qui est presque du ressort de la Nouvelle Vague, dix-quinze ans avant celle-ci.
Les films des frères Prévert restent à part, n’ayant pas bien fonctionné d’un point de vue commercial, même si la critique ou les intellectuelles de l’époque les avaient favorablement accueillis. Cela a eu pour conséquences, entre autres, que Pierre Prévert n’a pas fait la carrière qu’il aurait dû faire, même si ses œuvres méritent d’être connues. La carrière de Jacques Prévert est plus globalement rattachée au cinéma français classique même s’il fut dénigré du côté des cinéastes de la Nouvelle Vague. Pour ces jeunes loups, il fallait appréhender de façon différente la réalisation de film en s’écartant des codes cinématographiques français des années trente à cinquante. Prévert était un petit peu préservé dans la mesure où il n’était pas cinéaste, mais scénariste et, aussi, parce qu’il avait travaillé avec Renoir, réalisateur reconnu par la Nouvelle Vague. Mais, au travers de sa collaboration avec Carné, il fut davantage critiqué, leur cinéma étant considéré comme vieux ou académique. Par la suite, les films seront à nouveau appréciés. Godard a dit que Le Quai des brumes était un film formidable et Truffaut « aurait donné tout son cinéma pour Les Enfants du paradis ».

Les films, de manière générale, ont-ils été bien accueillis par la critique ?

N.T.B. : Oui et non, ça dépend lesquels. Les films faisaient souvent polémiques même Le Quai des brumes ou Les Enfants du paradis qui globalement étaient favorablement accueillis par les critiques. Ceux ayant reçu un accueil plus mitigé, comme Les Portes de la nuit, le jugement mérite d’être révisé aujourd’hui car ce sont des œuvres majeures. Ce qui est intéressant avec une rétrospective comme celle-ci, proposée au Festival, c’est que certains films sont peu connus du grand public. Ainsi, on peut découvrir, une comédie comme Si j’étais le patron, une comédie sociale un peu à la Capra. On peut également voir ou revoir un film comme L’Enfer des anges de Christian-Jaque – dans lequel Jacques Prévert n’est pas cité au générique – mais pour lequel il a collaboré de façon certaine et qui est un film très fort. On peut réévaluer des films négligés jusqu’ici comme Les Amants de Vérone. C’est aussi l’occasion de revoir des œuvres, comme Les Enfants du paradis ou Le Quai des brumes, sur grand écran, ou, encore, voir Drôle de drame avec une salle qui rit aux éclats, c’est assez génial !

Propos recceuillis par Elise Pernet

Jacques Doillon, le jeu dans la peau

 » Comme les sorciers sont des meneurs de nuage pour faire tomber la pluie, j’essaie d’écarter les nuages pour que les acteurs et la scène nous éclairent un peu de leur lumière…  » Jacques Doillon

Si certains cinéastes attirent et fascinent, c’est au caractère mystérieux de leurs films, à la complexité de leur langage ou encore à la distance de leur rapport au réel que nous le devons. Lorsqu’il s’agit de Jacques Doillon, ces considérations sont mises à mal tant la simplicité est au coeur sa démarche de réalisateur. Le terme est emprunté à François Truffaut qui, dans un célèbre article concernant Les Doigts dans la tête (1974), qualifie le film de « simple comme bonjour ». La simplicité est ici à prendre au sens large, signifiant à la fois une profonde immédiateté dans son approche du monde et des sentiments, ainsi qu’une générosité humaine exprimée tout au long de son travail artistique. Jacques Doillon sait mieux que quiconque peindre les passions et les rapports humains sous un angle direct et sensible, réduisant le plus possible la présence de la caméra. Il semble répondre à ce que Michel Mourlet appelle la « transparence », la réalité étant placée au rang d’essence première du cinéma.

« Ce n’est pas le document au ras de la réalité qui m’intéresse trop, c’est plutôt une espèce d’élan, de rage, de salut, pas loin d’un état de « grâce », que mes personnages recherchent. C’est la recherche de cette « grâce » qui les fait avancer et c’est avec leur intensité et leur fièvre que j’avance aussi », confie le cinéaste dans le dossier de presse de L’Amoureuse (1987). La présence de cette « grâce » du cinéaste et de ses personnages, nous la ressentons infailliblement dans une filmographie aussi cohérente qu’ambitieuse, de La Drôlesse (1979) à Ponette (1994), en passant par Le Petit Criminel (1992). Chez Doillon, « grâce » signifie l’expression exacerbée des sentiments. En effet, le cinéaste s’attache à filmer des visages, des regards, des corps, des êtres dialoguant sur les troubles auxquels ils sont confrontés, comme le suicide (Le Jeune Werther) et le divorce (La Vie de famille). Comme chez Rohmer et Bergman, la « grâce » employée par Doillon est également synonyme d’intimité. Car, si la majorité de ses films s’inscrit dans l’univers de l’enfance et du couple, Doillon joue précisément avec la puissance des sentiments dont la force est d’autant plus manifeste qu’elle est déployée au coeur d’un espace étroit et clos. C’est sans doute la raison pour laquelle ses films sont souvent qualifiés de « films de chambre », à l’image de celle de l’apprenti boulanger dans Les Doigts dans la tête. Or, l’expression des sentiments que permet cette intimité n’est pas figée ; elle s’inscrit dans un mouvement. Le ressenti devient littéralement un transport.
À l’image du périple spontané qu’entreprennent un père et sa fille dans La Vie de famille, la « grâce » des films de Doillon provient d’un déplacement. Doillon figure le désarroi par une trajectoire en mouvement, une voie fragile sur laquelle se lancent les personnages pour combler la béance d’un monde insensé. Dans Le Jeune Werther, par exemple, les trajets d’Ismaël et de sa bande dans les rues de Paris, à la recherche de la prétendue fille « fatale », ne sont autres qu’une quête de sens face au suicide de leur ami. Mobilité et intimité forment donc une équation unique propre à l’oeuvre du cinéaste.

S’il fallait trouver un héritier à la Nouvelle Vague qui célèbre ses cinquante ans cette année, Jacques Doillon serait la figure idéale. C’est avec une liberté formelle et idéologique identique à celle de Truffaut et Rohmer qu’il met en scène les rapports humains. Mais Doillon est aussi fidèle au cinéma de sa génération (celui de Jean Eustache et de Philippe Garrel) et à certains comédiens qu’il n’hésite pas à faire revenir dans ses films, comme Jane Birkin (La Fille prodigue, La Pirate, Comédie ! ). Jacques Doillon apporte une touche de mélancolie et de culpabilité, accompagnée invariablement d’un regard incisif sur la cruauté de la vie sociale. Il nous livre un cinéma fondé sur la parole et la fouille psychologique. En somme, un cinéma primitif, prégnant, pur.

Mathieu Lericq

La cinéphilie au service de la création franco-américaine

Rencontre avec Alejandra Norembuena Skira, directrice du Fonds Culturel Franco – Américain, à propos de la 13ème université d’été de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs, et éditeurs de musique) organisée du 21 au 27 juin.

Depuis quelques années, le Festival de La Rochelle a engagé une active collaboration avec le Fonds Culturel Franco – Américain. Son université d’été, axée sur le travail du «scénario » et de la « direction d’acteur » sous la forme d’un stage intensif, vise à développer les projets de film de huit jeunes cinéastes. Ces derniers auront dès demain la chance de participer activement aux manifestations proposées au Festival. Lancée par le Fonds Culturel Franco-Américain en association avec la Sacem, la Directors Guild of America et la Writers Guild of America, cette université d’été fait intervenir des professionnels à la fois américains et français. Nous avons rencontré Alejandra Norembuena Skira, initiatrice de l’événement.

Depuis quand êtes-vous associé au Festival de La Rochelle?

A. N.-S. : Notre association dure depuis six ans. Après leur semaine de travail intense à Rochefort, les étudiants seront invités à participer au Festival de façon totalement libre. Il est important qu’ils sachent ce que représente la vraie cinéphilie. Le Festival de La Rochelle, avec ses nombreux hommages et ses rencontres avec les grands cinéastes, est un lieu privilégié pour s’immerger dans l’univers cinéphilique.

Durant l’université d’été, vos étudiants sont amenés à échanger sur deux conceptions antithétiques du cinéma, la conception américaine et la conception française. N’est-il pas difficile de concilier dans la pratique les deux approches ?

A. N.-S. : A mon sens, c’est une aide considérable. Les cinéastes et scénaristes français sont naturellement intéressés par ce qui se fait outre-atlantique, et vice versa. Le travail qu’ils fournissent main dans la main est un enrichissement pour tous. Chaque culture cinématographique, quoique singulière, doit être connue. Mon but n’est pas de les faire fusionner. Au contraire, c’est de les faire vivre ensemble.

Comment choisissez-vous les intervenants ? La plupart d’entre eux vient du cinéma tout autant que de la télévision. Pourquoi ?

A. N.-S. : C’est la vision « américaine » du cinéma. Aux états-Unis, on ne distingue pas entre cinéma et télévision. Il nous semblait important d’aller dans ce sens.

Après ce stage, avez-vous observé des suites concrètes ? Les étudiants poursuivent-ils leurs travaux ?

A. N.-S. : Seulement 40% des étudiants poursuivent l’élaboration de projets artistiques. Beaucoup abandonnent pour faire autre chose. Ceux qui veulent continuer sont imprégnés des deux cultures cinématographiques qu’ils ont expérimentées à travers leur pratique avec les intervenants. Pour faire des films, il faut avoir la foi.

Propos recueillis par Mathieu Lericq