Samedi 28 juin

Des contrées lointaines aux terres frontalières émanent des accents qui transmettent le sourire. Une musicalité tordante et frénétique qui honore une histoire, une culture, un territoire. Deux continents mais une créativité débridée qui sillonne le monde, avec la même identité : cinéaste. Ils sont à la fois si proches et si loin de nous, habillant notre langue d’une kyrielle de couleurs. Carole, Olivier, Fiona, Joachim… la francophonie n’aura jamais été aussi riche que dans vos mains d’illusionnistes. Comme un tour de magie, ce soir, canadiens, wallons, québécois, belges, nord-américains, nous parlerons le même langage : l’image.

Dorothy Malherbe

Entretien avec Olivier Smolders, cinéaste belge

Ecrivant par ailleurs de nombreux textes, accordez-vous ainsi plus de places aux dialogues dans vos films ?
Votre question me fait me rendre compte qu’il n’y a quasi jamais de dialogues dans mes films. Plus souvent un croisement de monologues, la musique de plusieurs voix un peu perdues dans un espace intérieur. Je suis assez sensible aux vertus de la parole, des voix, de la matière poétique des mots. Mais assez peu aux dialogues.

Comment concevez-vous votre travail de cinéaste ? vous imaginez le film d’abord visuellement ?
C’est très irrégulier. Selon les films c’est l’image qui tire en avant, ou l’univers sonore. Mais il est vrai que le travail sur la bande son offre une telle liberté que j’ai tendance à le garder pour le dessert. Les quatre beaux moments dans la réalisation d’un film sont l’écriture, l’étalonnage et le montage son. Car ce sont à chaque fois des moments où tout semble possible.

Pensez-vous qu’il y a depuis ces dernières années une vraie effervescence du cinéma belge francophone ?
Qu’a t-il de particulier ?

La Belgique enfante des trucs bizarres depuis bien longtemps. Tant mieux si cette bizarrerie suscite de l’intérêt à l’étranger. Mais j’ai de la difficulté à raisonner en terme de belgitude. Cette étiquette, commode pour la conversation, recouvre en fait des pratiques de cinéma extrêmement différentes les unes des autres. Vous considérez comme un artiste singulier, avec un univers personnel ou comme membre d’une génération d’artistes belges, à la touche plus audacieuse, plus originale ? Cela me rappelle une question qui m’a été posée par un psychologue d’orientation scolaire lorsque j’avais 18 ans, à la fin de mes études secondaires: «Préfèreriez-vous être un aigle qui plane entre les cimes des montagnes ou un phoque au milieu d’une colonie de phoques sur la banquise ?». Encore aujourd’hui je n’ai pas trouvé la bonne réponse.

Vous irez voir ou revoir des films à la Rochelle ? Lesquels ?
Je n’ai pas encore fait mon menu mais il y a pas mal de choses qui m’intéressent…

Un artiste belge à promouvoir en ce moment ?
Deux: Xavier Christiaens qui a réalisé Le Goût du Koumiz et La Chamelle blanche . A nul autre pareil. Et puis Jean François Spricigo. Pour ses photographies aussi belles que secrètes.

Entretien avec Carole Laure, cinéaste québécoise

Votre premier film évoquait la reconstruction après un deuil, votre deuxième long métrage les vertus salvatrices d’une passion, parlez-nous de votre dernier film La Capture .
Ca parle d’un drame familial. C’est construit autour de ça. C’est un conte cruel, avec des séquences réalistes et des oniriques.

Etant par ailleurs musicienne, accordez-vous une touche particulière à la bande son et à la musique ?
Oui. Quand je vais voir un film, c’est du son et de l’image. Je ne parle pas uniquement de la musique, mais oui, je soigne énormément la bande son. Même pour un film où il y a moins de dialogues.

Pourquoi avoir encore choisi le Québec comme décor pour La Capture ?
Je suis québécoise. C’est mon histoire à moi. Je vis au Québec. Mes deux premiers films se passent au Québec. Dans La Capture, on voit Montréal, sa banlieue et les forêts qui l’entourent. Pour moi la forêt, c’est un magnifique théâtre. On peut y avoir peur, d’où l’instauration de parties plus oniriques dans la forêt. Et puis, parce je fais des fictions libres, un cinéma d’auteur indépendant et libre.

Comment diriez-vous que le cinéma québécois a évolué ces dernières années ?
Je fais du cinéma depuis le milieu des années 70. D’abord comme comédienne et puis comme cinéaste. Le cinéma québécois est heureusement, comme le cinéma français, très subventionné. La culture québécoise est très importante et très riche. Le théâtre, le cinéma, la musique. Parce qu’on est nord-américain, on est très axé sur la création. C’est très fort et très nourrissant. Le cinéma est très vivant car la SODEC subventionne beaucoup. S’il n’y avait pas de festival, on mourrait ! On a un cinéma très diversifié, avec des choses osées et drôles, … C’est très vivant. Mais la seule chose que je déplore, c’est la baisse de circulation des films québécois en France et des films français au Québec. On lutte tous contre les grands réseaux de distribution. Chez nous, c’est vivant : les gens vont voir les films québécois. Vous savez, en plus, on est en grande transition en ce moment en terme de distribution dans les salles mais des organismes comme la SODEC voient bien que la culture est précieuse. C’est la richesse d’un pays, non ?

Y a t-il des artistes prometteurs en ce moment au Québec, dont vous aimeriez faire la promotion ?
Il y en a beaucoup et dans tous les domaines. En musique, le groupe Arcade Fire. La musique prend un chemin plus promotionnel mais elle circule quand même. La danse contemporaine circule beaucoup aussi : je viens d’aller voir une pièce de Benoît Lachambre au théâtre de la ville. La jeune génération est très riche. Il faut voir tout le cinéma d’auteur : ce sont des festivals qui les aident à émerger.

Entretien avec Dominique Welinski, distributrice du film de Carole Laure « La Capture »

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le film de Carole Laure ?
Tout! Tout d’abord la forme, le traitement du sujet, que je trouve original, courageux et très abouti. Et le fond qui pose des questions sur un fait de société trop souvent nié: la violence conjuguale.

Que pensez-vous du cinéma québécois de ces dernières années ?
Il y a un renouveau du jeune cinéma québécois: on voit des films très intéressants dans les festivals mais excessivement difficiles à distribuer en France, au profit, hélas, de grosses comédies.

Des artistes québécois à promouvoir ?
Oui, à Locarno, j’ai vu Continental, un film sans fusil de Stéphane Lafleur, que vous passez également: c’est très bien. Et puis La Neuvaine de Bernard Emond, ça, c’est très intéressant.