Lundi 30 juin

Evidemment papa assure, hâbleur et fantasque, infatigable bateleur que les nuits américaines auraient pu transformer en absent magnifique. Ebahissent aussi quatre poussins, talentueux et séduisants. L’aîné dont le sourire ravageur fera toujours le printemps. La sublime demoiselle dont la jeunesse diaphane, déjà, construit la plus délicate des œuvres. Le fils prodige, beaux choix-bon genre. Et le petit dernier, mascotte à croquer, sur lequel se bâtiront trop vite de superbes cathédrales argentiques ou numériques. Mais les épaules solides, c’est elle. Celle qui a subi les amis et choisi sa famille. Pour trouver le sujet de la tribu il a suffi que maman arrive. Tendre et attentive. Sérieuse et bienveillante. Claire Stévenin, drapée de l’élégance modeste de celles auxquelles on doit tout.

Thierry Méranger, Cahiers du cinéma

Entretien avec Pierre Stévenin, acteur

Te souviens-tu du premier film que tu as vu ?
Oui, Roméo et Juliette .

En gardes-tu un bon souvenir ?
Ah ça oui, comme il y avait beaucoup de bagarres dedans : j’adore les films où ça cogne, c’est ce qui me plaît.

Tu as joué dans Mischka , dans Vipère au poing , as-tu envie de continuer à tourner ?
Bah oui toujours, des rôles de gangster ou policiers.

Tu aimes l’action au cinéma…
Oui, les trucs américains, plein d’effets spéciaux comme Indiana Jones … c’est pour ça qu’avec Robinson, on les appelle des « hamburgers » !

Quels réalisateurs apprécies-tu ?
Il y a en un que j’aime beaucoup, qui est maintenant plus de ce monde, c’était Philippe de Broca. Sinon, Steven Spielberg, j’aime beaucoup les films qu’il fait.

Qu’est-ce tu aimes chez De Broca ?
Tout, j’aime tout. Tous les films qu’il a réalisés. Par exemple, Jardin des plantes , avec Salomé, c’est un film très original. Parce que tout ce qu’il a fait avant, c’était pas très marrant. Je dis pas que le Jardin des plantes , c’est rigolo mais c’est déjà plus drôle.

Quels sont tes projets ?
Papa fait son quatrième film, il s’appelle Le Meunier Orlan , tiré du livre. Il a décidé d’en faire un film et moi, je joue le rôle principal.

Avec quel acteur aimerais-tu tourner ?
Des acteurs américains surtout. Al Pacino, Michael Madsen. Parce que je trouve que ce sont de très bons acteurs. Par exemple, la première fois que j’ai vu Al Pacino et Michael Madsen dans Donnie Brasco , je me suis dit : « Eux, ils vont aller loin ».

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire du cinéma ?
Quand j’avais 4 ans, j’entendais beaucoup parler des films de mon père, Double messieurs , Passe-Montagne , et là, j’ai appris qu’il en faisait un troisième, Mischka . Un matin, je suis allé le voir : « Papa, je veux jouer dans le dernier film de ta trilogie ». Alors il en a parlé à tout le monde et ils ont tous dit que c’était une super bonne idée. Donc après on a commencé le tournage. Mais papa a une autre version : « Pierre a voulu tourner dans le film mais je l’ai complètement obligé ». Je m’en souviens pas du tout.

Vas-tu aller voir des films au festival ?
J’ai vu le film Quatre nuits avec Anna . Je trouve vraiment que c’était très bien filmé mais c’est c’est sombre, très sombre.

Si dans quelques années, à La Rochelle, on fait une rétrospective Pierre Stévenin, reviens-tu ?
Oui, je viendrai. Ca me fera drôle et ça me touchera encore plus. Ca me rappellera mes souvenirs quand j’étais petit. Quand je serai sur les lieux, je me dirai : « Tiens, c’est là que je me suis assis, avec mon frère, dans les coulisses »…

Entretien avec Radiomentale, le groupe

Pouvez-vous en quelques mots nous présenter votre travail, votre démarche ?

Nous sommes issus du monde de l’image (cinéma, art vidéo, graphisme), mais aussi de l’univers de la musique électronique et de la révolution numérique, apparu il y a quinze ans. Dès 1992, nous nous sommes fait remarquer grâce à notre émission de création radiophonique, nommée Radiomentale. C’est sur cette émission, désormais diffusée à Marseille sur Radio Grenouille, que nous avons commencé à élaborer notre technique de montage sonore et de création musicale. Ce type de travail nous a permis par la suite de travailler auprès de pas mal d’artistes (des cinéastes, des écrivains, des plasticiens…) et de labels, mais aussi d’établissements et de marques. Désormais, nous développons d’un côté des activités purement musicales et artistiques (cinémixes, création radio, DJ, performances et installations) et de l’autre un travail de création, de sélection et de programmation musicale. En somme, nous avons été à la fois marqués par le cinéma et les grands cinéastes de la bande-son (Lynch d’abord, mais aussi Kubrick, Tati, Scorcese) et par les techniques developpées par les DJ depuis la fin des années 80. Par la suite, c’est sans doute cette capacité à composer des bandes-son, à habiller un lieu, une oeuvre ou un événement, c’est-à-dire à créer de véritables atmosphères, qui nous a apporté cette réputation et a encouragé certains festivals de film à nous commander de tels travaux.

Quelle est la difficulté de l’illustration musicale de films ? Comment élaborez-vous vos créations ?
Dans le cas du muet, nous ne nous contentons pas d’assembler une simple bande-son moderniste et techno. Nous mélangeons les influences électro et pop, tout en s’inspirant du classique, de la B.O de film comme du jazz, renouant parfois avec une certaine tradition expérimentale et avant-gardiste. Nous essayons de créer pour chaque film sur lesquels nous travaillons, une bande-son unique, au service de la narration et des personnages. Cependant, nous ne nous contentons pas non plus d’illustrer, ou de souligner avec emphase, les différents éléments dramatiques du film. Nous ne voulons pas non plus recréer l’atmosphère des projections cinématographiques des années 10 ou 20. Les bandes sons que nous composons et mixons jouent sur plusieurs niveaux. Elles plongent parfois le spectateur dans un état d’hypnose et d’abandon, les musiques, aux couleurs intemporelles, viennent souligner certaines émotions, certains gestes ou mêmes certains détails de l’image, jouent parfois avec les références historiques et cinématographiques, apportent une distance critique ou historique, sans non plus renier une émotion à l’état brut.

Vous irez voir ou revoir des films pendant le festival ?
Même si nous irons voir les programmes muets, ou si l’un ou l’autre de nous peut apprécier par exemple Mike Leigh ou Raymond Depardon, l’idée est plutôt que les cinéastes, qui trop souvent négligent le travail du son et de la musique, découvrent ce travail que nous menons maintenant depuis plus de quinze ans.

Entretiens réalisés par Dorothy Malherbe