Ali-Reza Amini appartient à la plus jeune génération des cinéastes iraniens et comme beaucoup d’entre eux, il a commencé sa carrière cinématographique en réalisant des courts métrages, à partir d’événements infimes de la vie quotidienne.
Dans ses trois longs métrages, Lettres dans le vent, Petits flocons de neiges, Au bord de la rivière, on retrouve le même principe d’un minimum de moyens, du choix de décors naturels et d’acteurs non-professionnels. L’histoire de ses films se déroule toujours au temps présent. Pas de flashes-back ni d’effets spéciaux. Ses sujets sont souvent tirés d’histoires vécues. Il procède lui-même au montage de chacun d’eux. Entre autres constantes, on retrouve l’importance donnée aux gestes du travail et aux vêtements, aux chaussures particulièrement (la flamme rouge du foulard de la passante des Petits flocons de neige, le barda monochrome des soldats de Lettres dans le vent, l’inoubliable petit soulier blanc d’Au bord de la rivière). Dans tous ses films, le temps semble arrêté, immobile, comme point de départ à l’imaginaire. Dans son premier long métrage, Lettres dans le vent, la voie féminine inconnue qui murmure des mots d’amour à un correspondant tout aussi anonyme, sur la cassette d’un magnétophone que les soldats, enfermés dans leur caserne, se passent les uns aux autres est leur unique source de plaisir, onirique et fragile, la seule porte par laquelle ils puissent s’évader. L’immobilité est également source d’imaginaire dans Petits flocons de neige, son deuxième film où une paire de chaussures puis la silhouette d’une jeune fille qu’on aperçoit de très loin (le rouge comme un fanal, la seule couleur de ce monde en noir et blanc) sont les éléments minimaux qui permettent à deux ouvriers coincés dans une mine coupée du monde de rêver, de faire passer le temps qui n’avance pas.
Ce système est poussé à son paroxysme dans Au bord de la rivère puisque l’héroïne est littéralement clouée à son décor, c’est alors le monde qui tourne autour d’elle, mais avec quelle désespérante lenteur !
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Entretien avec Ali-Reza Amini
Mamad Haghighat : Quel a été votre parcours cinématographique ?
Ali-Reza Amini : Avant de m’intéresser au cinéma, j’ai fait des études de radiologie, puis j’ai suivi des cours de théâtre, pour être comédien mais aussi pour faire de la mise en scène. J’ai appris le cinéma avec Bahman Ghobadi (Un temps pour l’ivresse des chevaux), dont j’ai été l’assistant.
Mamad Haghighat : Comment en Iran, un jeune réalisateur trouve-t-il de l’argent pour réaliser son premier film ?
Ali-Reza Amini : J’ai gagné la confiance des producteurs en leur parlant de mon sujet avec passion et enthousiasme. Il faut dire aussi que mes films ne coûtent pas cher…
Mamad Haghighat : Comment choisissez-vous vos sujets ?
Ali-Reza Amini : Puisque je suis toujours en train d’expérimenter, j’essaie de trouver des sujets non encore exploités. Au départ, j’ai un synopsis d’une page. Puis j’en parle avec mes amis, et c’est surtout pendant le tournage que le scénario évolue, en improvisant.
Mamad Haghighat : Comment dirigez-vous vos acteurs ?
Ali-Reza Amini : Jusqu’à présent je n’ai travaillé qu’avec des acteurs non-professionnels. Je les mets en situation jusqu’à ce qu’ils croient au rôle et puis je les filme.
Mamad Haghighat : C’est la méthode de Kiarostami, quels sont les cinéastes qui vous inspirent ?
Ali-Reza Amini : Évidemment Kiarostami, mais aussi Jarmusch, Kusturica, Angelopoulos… Mais j’aimerais m’essayer à différents genres cinématographiques, aussi bien pour la forme que pour les sujets.
Mamad Haghighat : Pouvez-vous nous parler de votre prochain film ?
Ali-Reza Amini : Il sera justement d’un genre différent, je vais le tourner dans un décor unique et avec des acteurs professionnels. Le découpage sera très précis. C’est l’histoire de deux condamnés à mort qui réussissent à s’évader pendant un transfert en bateau et qui se réfugient sur une plate-forme pétrolière abandonnée. Poussé par les vagues dans leur direction, le cadavre d’un pilote américain va faire naître des tensions entre eux, car comment vont-ils survivre ?