La Cinémathèque universitaire : misère et noblesse

Claude Beylie

Quel est le rôle des cinémathèques ? Raymond Borde l’a parfaitement défini, en introduction à un ouvrage fondamental sur le sujet : « Les cinémathèques s’emploient à conserver ce que l’industrie du film s’emploie à détruire. Elles ne se bornent pas, comme les musées ou les bibliothèques, à gérer l’héritage paisible du passé. Elles ont une activité militante et pathétique. Elles interviennent dans la grande dérive de la pel-licule, en dressant le barrage de la dernière chance. » Ce travail de Pénélope a com-mencé relativement tard. Certes, dès 1898, soit trois ans après la naissance officielle du cinématographe, un Polonais, Boleslaw Matuszewski, lançait l’idée de créer (à Paris) « un musée ou un dépôt cinématographi-que ». Il fallut pourtant attendre 1933 pour que se crée, à Stockholm, à l’impulsion d’étudiants et de journalistes, la première archive cinématographique digne de ce nom. Berlin, New York, Paris, Milan et Bruxelles suivirent le mouvement. Mais il était déjà trop tard : près des trois quarts de la pro-duction cinématographique du « muet » étaient déjà irrémédiablement perdus, nul ne s’étant soucié de conserver ce qui paraissait relever du « vieux cinéma ». En France, la notion de Cinémathèque est restée longtemps liée — pour le meilleur et pour le pire — à la personnalité d’un homme qui joua sur ce terrain un rôle essentiel : Henri Langlois (1914-1977). Il n’est pas question de mini-miser son oeuvre : sans lui et quelques col-laborateurs dévoués, nombre de trésors eussent disparu à jamais. Mais il convient de regretter, peut-être, que ce grand arbre conti-nue de cacher la forêt inextricable d’un patri-moine filmique à l’abandon ; que tant d’idées fausses, de mythes tenaces fassent encore autorité, que les problèmes de gestion dans le domaine culturel soulèvent toujours chez nous une masse incroyable d’obstacles, de réticences, de dérobades bureaucratiques ; que rien ou presque ne change, en dépit des déclarations d’intention, des réformes, des encouragements, des voeux pieux et des pro-messes jamais tenues… Les producteurs continuent à détruire les films, massivement, systématiquement, avec la bénédiction des pouvoirs publics. Pour en sauver quelques-uns, il faut se transformer en chiffonniers de la pellicule, ou en pirates. Nous sommes tou-jours, pour citer encore Raymond Borde, dans « les sables mouvants de l’art et de la névrose », quand on est arrivé, ailleurs, aux techniques de conservation les plus sophis-tiquées. On sait — ou en devrait savoir — que la conservation du patrimoine cinématographi-que français est actuellement répartie entre quatre organismes. Par ordre d’importance des dépôts : le service des Archives du film de Bois-d’Arcy, qui appartient au ministère de la Culture ; la Cinémathèque française, fondée en 1936 par Henri Langlois et Geor-ges Franju ; la Cinémathèque de Toulouse, créée par Raymond Borde en 1954 ; enfin la Cinémathèque universitaire, dernière née, dont il va être question plus longuement ici. Ces trois dernières archives ont toutes le même statut d’associations privées (loi de 1901). Elles sont les seules à être reconnues au plan international. Parallèlement, existe à Lyon une collection consacrée aux appa-reils de cinéma et de pré-cinéma ; on peut aussi dénombrer un certain nombre de ciné-mathèques spécialisées, rattachées par exem-ple au service cinématographique des Armées, à l’Institut national de l’audiovisuel, au C.N.R.S., au ministère de l’Agriculture, etc. ‘; ainsi qu’un embryon de cinémathèques régionales. En 1975 s’est amorcé, à l’initiative des plus importantes revues françaises de cinéma, un rapprochement entre ces différents organis-mes, afin d’en finir avec le morcellement, la « balkanisation » des archives ; il a été pro-posé la constitution d’une cinémathèque nationale, comme il en existe (de très acti-ves et de très efficaces) à Londres, à Bruxel-les ou à Lausanne ; nombre de problèmes eussent été alors résolus. Bien que le rapport de la commission Bredin ait repris récem-ment cette idée, et que tout laisse à penser qu’il s’agit là d’une situation irréversible, nous sommes hélas ! encore loin du compte.
La Cinémathèque Universitaire a été fondée en 1973 par trois professeurs de Paris-I Sor-bonne (Jean Mitry, Jacques Goimard et le signataire de ces lignes), afin de répondre concrètement aux besoins spécifiques ren-contrés par le développement de l’audiovi-suel dans les universités françaises. Dans sa création, l’Université de Paris-I joua incon-testablement le rôle d’élément stimulateur (même si elle n’accorda jamais le moindre centime de subvention !), comme elle l’avait joué pour l’enseignement de l’histoire, de l’esthétique et de l’économie du cinéma, ins-tauré dès 1969 et qui a abouti à un cursus d’études complet et autonome, du ler cycle à la maîtrise spécialisée et au D.E.A. — l’un des plus suivis en France aujourd’hui, et l’un des seuls habilités à décerner des diplômes officiels. Toutefois, la Cinémathèque est res-tée indépendante à l’intérieur de l’Université, quitte à en devenir l’un des rouages les plus actifs. Elle a fonctionné dès l’origine dans le bénévolat le plus absolu. 11 convient de souligner que des universitaires de Paris-III (notamment Michel Marie) se sont associés à son action dès 1977. Elle est aujourd’hui reconnue sur tous les fronts de l’enseigne-ment du cinéma, en France et à l’étranger ; son image de marque est solidement implan-tée, son rayonnement indiscutablement. La Cinémathèque Universitaire s’est assignée notamment pour buts : — la mise à disposition gratuite de films et de tous documents concernant l’histoire du cinéma aux milieux universitaires, ou para-universitaires, dans lesquels existe un ensei-gnement spécialisé ; — la recherche, l’acquisition, la prise en charge par voie de dépôts et la conservation de toutes copies de films ou d’extraits de films, de tous formats (35 mm, 16, super-8, etc.), ainsi que de tous documents (livres, revues, scénarios, affiches…), cassettes, vidéodisques, etc., susceptibles d’aider à l’étude et à la promotion du cinéma et de toutes techniques audiovisuelles dans le cadre de l’enseignement supérieur ; — l’organisation de séances privées de visionnement et d’analyse de films et de tra-vaux sur table de montage imposés par les recherches de haut niveau (mémoires, thèses, doctorats…) ; — la promotion du cinéma dans l’enseigne-ment du second degré, par le canal de la for-mation permanente des professeurs. Ces buts ont été, avec le temps, largement atteints et même dépassés.
Dès sa création, la Cinémathèque Universi-taire a reçu le patronage et le soutien actif de personnalités de la profession cinémato-graphique. Deux grands cinéastes, aujour-d’hui disparus, furent un peu ses parrains : Jean Renoir (président d’honneur) et Fran-çois Truffaut (ce dernier ayant largement contribué à l’enrichissement de ses collec-tions). Citons également : Pierre Rissient, Eric Rohmer, Jean Aurel, Michel Deville, Paul Vecchiali, Sacha Briquet ; des produc-teurs (Janine-André Bazin), des attachés de presse (Alain Schlokoff), des distributeurs (Gérard Vaugeois, Dominique eaïni), des exploitants (Evelyne Peillon), des critiques, etc. Sans oublier l’aide et les conseils précieux de Raymond Borde et de Freddy Buache, conservateurs de cinémathèque exemplaires. En 1976, la Cinémathèque Universitaire fut reconnue, comme membre observateur, par la Fédération Internationale des Archives du Film, qui regroupe les archives du monde entier. Le Centre National de la Cinémato-graphie n’a pu qu’approuver et encourager son action, et ne s’est pas fait faute de pui-ser dans ses collections en cas de besoin (par exemple à l’occasion de l’exposition « Ima-ges et Magie du cinéma français ») ; il ne s’est jamais décidé pour autant — lui non plus — à lui allouer la moindre sub-vention ! Par définition et par vocation, la Cinéma-thèque s’adresse à une « clientèle » univer-sitaire : étudiants, professeurs, chercheurs. Elle n’a jamais prétendu étendre son audience hors du cadre de l’enseignement. Si elle s’est trouvée conduite, çà et là, à élar-gir son champ d’activité, ce fut toujours dans un esprit d’amicale coopération et sous le signe du bénévolat, en vue de pallier, avec les moyens du bord, les lacunes de la diffu-sion cinématographique en secteur culturel, lacune que les usagers connaissent bien. Il n’a jamais été question pour la Cinémathè-que Universitaire de se substituer aux orga-nismes existants, encore moins de les concurrencer sur leur terrain. Elle a toujours entretenu, par exemple, des relations amica-les et efficaces avec les Fédérations de ciné-clubs. Le résultat est qu’en moins de dix ans, la Cinémathèque a pris une ampleur que ses fondateurs n’osaient espérer, que les copies de films ont afflué, et par suite les deman-des de consultation et de prêt, émanant non seulement d’étudiants, de tous niveaux et de toutes disciplines, de Paris ou de province, mais aussi de Maisons de la Culture, d’Ambassades, de Festivals, de M.J.C., de Ciné-clubs et d’associations diverses. Le paradoxe est que l’archive la plus pauvre de France est devenue, de toutes, la plus solli-citée ! De fait sinon de droit, la Cinémathè-que Universitaire est ainsi devenue un véritable service public.
Depuis 1978, la Cinémathèque Universitaire organise une moyenne de 25 projections de longs métrages par semaine, d’octobre à juin, principalement à I’U.E.R. d’Art et d’Archéologie et au Centre Pierre Mendès-France (Paris-I), à Censier (Paris-III), à l’Ecole des Arts décoratifs, à Jussieu et à l’Institut pédagogique de la rue d’Ulm. (Plu-tôt que de « projections », il faudrait par-ler de « séances de visionnement et de travail », articulées sur des cours et assor-ties de commentaires pédagogiques : juridi-quement, la nuance a son importance.) Ne sont pas compris dans ce chiffre les prêts aux universités de province (Montpellier, Nice, Bordeaux, Nancy, etc.), ni surtout les tra-vaux sur table, ponctuels, intérieurs à cha-que université. La fréquentation des étudiants aux séances est variable : elle est fonction des effectifs annuels et du niveau des cours : de 350 à 500 en 1″ cycle à moins de 15 en maîtrise. Aucune publicité n’est faite en dehors de l’enceinte universitaire (les accords passés avec les fédérations de distri-buteurs nous l’interdisent, sauf cas excep-tionnel). Le bouche-à-oreille peut jouer, mais nous prenons bien soin de n’accepter que les étudiants régulièrement inscrits. La rentabi-lité des séances n’entrant pas (par définition) en ligne de compte, le nombre de « specta-teurs » importe peu. La qualité des projec-tions, et le sérieux des programmes, n’ont jamais varié, tous les utilisateurs peuvent l’attester. Quant au nombre de films dont nous dispo-sons, tous formats confondus et sans tenir compte de quelques copies en état de dégra-dation avancée (que nous aurions pu sauver à temps si les moyens nous en avaient été donnés !), il s’élève, au dernier inventaire, à près de 4 000 titres. C’est dérisoire, et c’est énorme, si l’on considère qu’aucun de nous n’a jamais été mandaté explicitement pour entreposer, conserver, répertorier, restaurer ou montrer des films — mais seulement pour enseigner le cinéma. Un fichier analytique a été peu à peu constitué, par les étudiants eux-mêmes, dont la consultation demeure évi-demment confidentielle. Les archives non-film connaissent également une forte exten-sion : la « scriptothèque » (dont l’exploita-tion est confiée à Jean-Paul Tôrôk) compte environ 2 000 scénarios, découpages ou synopsis ; on peut aussi consulter, sur demande, quelque 10 000 revues, françaises et étrangères (dépouillement et indexage en cours), des dossiers, des coupures de presse, textes critiques et documents divers. Ce n’est pas tout : la Cinémathèque Univer-sitaire a réalisé en 1975 un court métrage d’initiation au langage cinématographique, que nous utilisons dans le cadre des cours ; en 1979 et 1980 ont été organisés des « Semaines de l’enseignement du cinéma » et un week-end d’étude à la M.J.C. de Saint-Germain-en-Laye ; en 1981 a été éditée et dif-fusée par nos soins la continuité photogram-matique intégrale d’un film (Octobre), avec le concours du Centre de recherche de l’université de Paris-VII ; la même année, nous avons reçu une sous-commission de la Fédé-ration Internationale des Archives du Film, sur les problèmes de la scénographie ; en 1982 nous avons organisé une grande rétros-pective Jean Renoir au Centre Georges Pom-pidou (la plus complète en France à ce jour), et en 1983 participé à l’exposition et à la rétrospective D.W. Griffith, en liaison avec le Museum of Modern Art ; en 1983 et 1984 des « cartes blanches » nous ont été offer-tes, par le cinéma « Denfert » à Paris et les Rencontres cinématographiques de Saint-Etienne ; tout récemment (mars 1985) nous a été attribué le trophée du Festival de Bondy, consacré aux « trésors d’images » des cinémathèques ; enfin et surtout, il convient de souligner que la Cinémathèque Universitaire fournit, depuis 1975, le maté-riel nécessaire à la publication de découpa-ges de films, assortis d’études théoriques, dans le cadre de « L’Avant-Scène Cinéma ». Où et comment peut-on encore récupérer de vieilles copies de films, à l’ère de l’ordina-teur et des vidéocassettes ? N’est-ce pas là une tâche vaine et anachronique ? Les tech-niques de reproduction moderne ne vont-elles pas rendre bientôt caducs tous nos efforts ? Voilà le genre de questions auxquel-les je ne saurais répondre en quelques lignes. Trop d’intérêts sont en jeu, trop de mercan-tis nous guettent au tournant. Je dirais seu-lement que la passion de la conservation, l’amour du cinéma, le combat de David contre Goliath, tout cela est plus que jamais nécessaire. Max Ophuls disait : « Si l’on veut qu’un art conserve l’intérêt et vitalité, il faut chercher, chercher, chercher sans arrêt ! » Et quand on cherche, on trouve. Sans aller jusqu’à jouer les martyrs — c’est un terme dont on nous honore parfois — disons que nous sommes les derniers survivants d’une espèce en voie de disparition : celle qui considère que la destruction d’un film est une chose aussi inadmissible que la destruction d’un être vivant. Tels les « hommes-livres » de Fahrenheit 451, nous sommes des « hommes-films ». Avec, pour vertus cardi-nales, la patience, le désintéressement et l’humilité.
Une cinémathèque, au fond, pour quoi faire ? Pour projeter des films de répertoire, certes, encore que sur ce chapitre le relais ait été pris depuis longtemps par les ciné-clubs, les salles d’art et d’essai, les festivals (à com-mencer par La Rochelle) et certaines émis-sions de télévision. Pour conserver les copies rares ou fragiles, les restaurer, en faire tirer des contretypes convenables : là-dessus le rôle du Service de Bois-d’Arcy, véritable hôpital des films, est irremplaçable — même s’il importe de mieux définir les formalités d’exploitation d’un fonds ainsi préservé, et d’en faciliter la consultation. Pour permet-tre la mise en chantier de travaux relatifs à l’histoire du cinéma, l’organisation de ren-contres, de confrontations, l’édition de thè-ses et de catalogues — ce pourrait être, c’est déjà la mission de la Cinémathèque Française et de la Cinémathèque de Toulouse 3. Pour diffuser les classiques du septième art auprès des étudiants, des chercheurs, dans le cadre d’un enseignement de haut niveau et de tra-vaux ponctuels : c’est à quoi, avec des moyens dérisoires et une immense bonne volonté, s’emploie la Cinémathèque Univer-sitaire.
Il faut ouvrir aux jeunes générations les tré-sors du passé, et même les « nanars » oubliés ; il faut organiser des rétrospectives, des expositions, des cycles, non seulement à Paris (éternel privilégié) mais partout en pro-vince où existent des structures d’accueil ; il faut favoriser l’exploration en profondeur du sacro-saint « patrimoine » (quitte à le démystifier), passer le cinématographe au cri-ble de nouvelles sensibilités, lui insuffler enfin une seconde jeunesse. Faire revivre le passé et non l’encenser béatement, le con-fronter aux réalités du présent et non l’embaumer dans des mausolées poussiéreux. Cela est-il possible ? Oui, toutes les condi-tions en sont réunies, actuellement, en France, pour peu que les organismes de tutelle (comme on dit) prennent conscience de leur mission réelle en ce domaine et appor-tent une aide efficace aux cinémathèques, riches ou pauvres. En ce qui nous concerne, quoi qu’il arrive, nous continuons.

1. « Les Cinémathèques », Ed. L’Age d’homme, Lausanne 1983.
2. Le Service des Archives du Film de Bois-d’Arcy reçoit actuellement environ 15 millions de subven-tions annuelles, la Cinémathèque Française 20 mil-lions, la Cinémathèque de Toulouse 500 000 F. La Cinémathèque Universitaire ne reçoit et n’a jamais reçu un centime.
3. Faut-il rappeler les monumentaux Index filmo-graphiques de Raymond Chirat, couvrant trois décennies du cinéma français ? Plusieurs archives francophones ont contribué à cette édition : la Cinémathèque royale de Belgique, tout d’abord (les années 30), puis Luxembourg (les années 40), Toulouse (les années 20), enfin Bois-d’Arcy (les courts métrages). De son côté la Cinémathèque Française a édité (le plus souvent en collaboration) des ouvrages sur Carl Th. Dreyer, Fritz Lang et Abel Gance.

Des films insolites ou méconnus

La Cinémathèque Universitaire a la chance de conserver en dépôt un nombre important de films américains de la décennie 1950-1960. Plusieurs de ces copies, toutes extrêmement rares, lui ont été confiées par un généreux mécène et ami (connu aussi comme cinéaste), Pierre Rissient. C’est dans cette riche section que nous avons puisé, selon le voeu de Jean-Loup Passek, pour offrir aux spectateurs du Festival de La Rochelle un panorama signi-ficatif de « l’âge d’or » de la production hollywoodienne. Quelques grands noms du cinéma (Max Ophuls, Raoul Walsh, Anthony Mann, Samuel Fuller) y voisinent avec d’autres moins connus, dont la rééva-luation s’impose : Ida Lupino, Leslie Ste-vens, Roger Corman. Tous les genres ou presque sont représentés : film historique (Le Règne de la terreur), film de guerre (J’ai vécu l’enfer de Corée), fantastique (La Chute de la maison Usher, Incubus), policier (Pro-priété privée), comédie psychologique (The Bigamist), avec une dominante qui pourrait être le « mélodrame », au sens noble du terme, les points culminants étant peut-être The Man I Love et Lettre d’une inconnue. Un seul outsider se situe en marge de ce cou-rant : W.C. Fields et son inoubliable Riche affaire (1935), choisi car il faut bien aussi rire un peu.
Présentant l’un de ces films à la presse pari-sienne il y a quinze ans, Pierre Rissient décla-rait : « Songez quelle science du cinéma il faut pour aboutir à tant de naturel et de sim-plicité, tant de vie et de mouvement, en cir-culant à travers tant d’actions différentes pour finalement nous faire ressentir la vie quotidienne dans sa familiarité, sans qu’à aucun moment on ne soit arrêté par la mise en pratique d’une idée préconçue du réa-lisme. » Ce pourrait être la « charte » de cette rétrospective, que nous entérinons tota-lement. Pour ne pas se limiter au seul domaine amé-ricain, nous avons tenu à faire précéder la projection de ces neuf films d’une sélection de courts et moyens métrages choisis de pré-férence dans la production européenne : ils portent les signatures de Man Ray (Les Mystères du château du dé), Michelangelo Antonioni (Tentative de suicide), Milos For-man (Concours), Eric Rohmer (Fermière à Montfaucon), Jean-Daniel Pollet (Gala, Pourvu qu’on ait l’ivresse) et… Pierre Ris-sient (Les Genoux d’Ariane, son premier film, tout à fait méconnu). La plupart de ces oeuvres, auxquelles il con-vient encore d’ajouter un essai mystérieux d’Orson Welles, inédit en France, Hearts of Age (1934), et un curieux dessin animé tiré d’Edgar Poe, Le Coeur révélateur, sont actuellement « invisibles » en circuit commercial.