Un écrivain cinéaste

Zofia Bobowicz

Écrivain et cinéaste, Tadeusz Konwicki est né en 1926 près de Wilno, en Lituanie. Il n’a pas encore 18 ans lorsqu’il s’engage dans l’AK (Armée de l’Intérieur : formations de résistance polonaise organisées par Londres en 1941), où il combat jusqu’à la fin de la guerre. La Pologne populaire abandonnant à l’U.R.S.S. ses territoires orientaux, Konwicki se retrouve après la guerre à Cracovie où il écrit en 1946 son premier roman Rojsty (Les Marécages) : il y retrace la tragédie de maquisards polonais de Wilno qui, après avoir combattu les nazis, continuent en 1944-45 une lutte sans issue contre l’armée russe. Largement autobiographique, ce livre n’a pu paraître qu’en 1956. Le thème du maquis reviendra obses-sionnellement dans l’oeuvre ultérieure de l’auteur, soit directe-ment, soit sous forme de symboles ou d’allusions. En 1948 Konwicki s’installe à Varsovie où il étudie la littérature polonaise à l’Université, puis entre dans la rédaction de l’hebdo-madaire Nowa Kultura, où il publiera les fragments de ses premiers romans, nouvelles et essais. A cette période de sa vie, il essaie de s’adapter à la nouvelle réa-lité, et milite pour la reconstruction du pays, en écrivant plusieurs livres dans la convention du « réalisme socialiste » (Sur le chan-tier, L’heure de tristesse, La clé). Renonçant à toute ambition artistique, il met en scène des héros « positifs » tous animés d’une ardeur juvénile au travail selon les schémas de l’époque. Le dernier roman de ce cycle, Le Pouvoir, le seul où Konwicki soulève un problème de nature politique, est resté inachevé.
Ce n’est qu’en 1959, avec un roman intitulé : Un trou dans le ciel, que Konwicki revient à son univers artistique propre, ce roman marque un tournant dans sa création. Désormais chaque nouvelle oeuvre fera événement dans la littérature polonaise, tant par sa complexité formelle (un heureux mélange de techniques ireres-sionnistes, expressionnistes et surréalistes ; superpositi6h de plans ; tonalités contrastées ; intermèdes) que par sa dimension philosophique (le thème de la « déception », le destin de l’homme rejeté sur une réalité historique définie, souvent enrichis d’une fine ironie ou d’humour à tendance satirique. Le critique polonais Wlod-zimierz Maciag définit ainsi la signification profonde de l’oeuvre de Konwicki : « C’est l’humanité qui se plaint sous sa plume, une humanité tourmentée, impuissante, pécheresse ». Parmi ses principaux romans, il faut citer : La clé des songes contemporains (1963), L’Ascension (1967, publié en France par Gallimard en 1971), Béthofantôme (1969, publié en France aux éditions Ruptures en 1978), Rien ou rien (1971). L’année 1976 marque une nouvelle période dans sa création caractérisée par abandon de tout réflexe d’autocensure dans la critique des contra-dictions de la réalité polonaise de ces dernières années. De ses trois derniers romans, seul Le calendrier et la clepsydre pourra paraître officiellement en Pologne (publiés en mars 1976, les quinze mille exemplaires de ce livre apparenté aux « journaux » de Gombrowicz seront épuisés en quelques jours). Les deux derniers : Le Complexe polonais et La petite Apocalypse, trop insolents pour voir le jour dans une maison d’édition officielle, ont été publiés par les éditions polonaises parallèles Nova.
L’oeuvre romanesque de Konwicki trouve un heureux complément dans sa création cinématographique qui, depuis le début des années 50, constitue son second centre d’intérêt. D’abord criti-que cinématographique, puis scénariste (notamment des films de Jerzy Kawalerowicz : « Mère Jeanne des Anges » – 1961 et « Le Pharaon » — 1965, et du film de J. Morgernstern « Yovita » -1967).
Konwicki est considéré en Pologne comme l’un des pionniers du cinéma dit d’auteur. Scénariste et metteur en scène du film « Le dernier jour de l’été » (1958), Konwicki a réalisé depuis quatre autres films : « La Toussaint », « Salto », « Le baccalauréat » et « Si loin d’ici, si près ». Konwicki y transpose en langage cinéma-tographique certains thèmes de son oeuvre d’écrivain. Ce double aspect de sa création se trouve présenté dans son recueil de nou-velles intitulé Le dernier jour de l’été. Scénarios. (1966).
En décembre 1981, il mettait la touche finale à son dernier film « La Vallée d’Issa » adapté de l’oeuvre célèbre du prix Nobel polo-nais Czeslaw Milosz. Le film est à ce jour encore inédit.